Les produits de la mer (seafood dans la littérature anglo-saxonne), c’est-à-dire les poissons et les fruits de mer (en anglais shellfish), crustacés er mollusques, sont la cause de réactions allergiques dont la prévalence est variable selon les pays, les habitudes alimentaires, et selon l’âge.
Elles sont plus fréquentes chez les adultes.
La majorité des allergiques au poisson réagissent à la parvalbumine, une protéine résistante à la chaleur et à la dégradation par la digestion, mais la teneur en cette protéine est variable selon les espèces. Son homologie de séquence est importante, ce qui explique le risque évalué à 50 % d’être allergique à plusieurs poissons. Une mono-allergie est possible, elle est alors moins sévère. D'autres allergènes sont maintenant décrits tels que les énolases et les aldolases.
Pour ce qui est des crustacés, la tropomyosine est un allergène majeur chez 85 % des patients. Son homologie de séquence importante rend compte des allergies croisées fréquentes entre les crustacés, les mollusques, les autres arthropodes (blattes ou acariens), ainsi que l’anisakis (parasite des poissons).
Par ailleurs, l’arginine kinase, également présente chez les décapodes (crabes, crevettes, homards et apparentés) et les bivalves (moules, huîtres, palourdes…), est responsable de réactions chez 27 % des allergiques.
Une histoire clinique pertinente
L’allergie IgE médiée peut être déclenchée par contact, ingestion voire simple inhalation de vapeurs de cuisson. Elle se traduit le plus souvent par des signes immédiats, néanmoins des manifestations non IgE médiées ont été rapportées, en particulier des tableaux d’entérocolites aigus chez l’enfant. Les réactions au poisson sont souvent réputées sévères, à haut risque anaphylactique. Une exposition professionnelle est possible dans les métiers de la pêche, de l’industrie agroalimentaire et de la restauration.
Le diagnostic est avant tout fondé sur une histoire clinique pertinente. Les résultats du bilan par prick-tests et dosage des IgE spécifiques permettent de prévoir un résultat positif au test de provocation, rendant ce dernier parfois superflu (1). L’existence d’allergies croisées doit être connue, entre poissons, entre crustacés, entre crustacés et mollusques, entre crustacés et acariens, peut-être même entre crevette et rouge carmin E120. En revanche, elles n’existent pas entre poissons et crustacés.
Des réactions aux allergènes « cachés » dans la gélatine (de poisson), la sauce Worcestershire, qui contient des anchois, ou dans la chitine employée en cosmétologie et dans l’industrie pharmaceutique, sont possibles.
L’éviction stricte et rigoureuse a été longtemps la seule prise en charge possible de l’allergie alimentaire IgE dépendante. Toutefois, depuis ces dix dernières années, plusieurs études visant à induire une tolérance alimentaire ont donné de nouveaux espoirs thérapeutiques (2).
Allergènes moléculaires
Les allergènes moléculaires natifs, extraits et purifiés de la source allergéniques, ou recombinants, issus du génie génétique, sont utilisés de plus en plus fréquemment en allergologie alimentaire (3). Ils seront d’une aide précieuse pour aider à différencier une allergie alimentaire d’une simple sensibilisation, pour évaluer la gravité et le risque de pérennisation de l’allergie et pour aider à la décision de réalisation ou non d’un test provocation par voie orale.
Enfin, certains patients allergiques aux crevettes le sont aux acariens, en raison d’une forte homologie entre les tropomyosines de ces deux arthropodes. La désensibilisation aux acariens doit donc être étudiée prudemment en cas d’éventuelle allergie aux crustacés, mollusques ou escargots.
Les allergies aux produits de la mer sont ainsi fréquentes, complexes et à risque de réaction sévère. De plus, les allergies croisées sont fréquentes.
(1) Sampson HA. Utility of food-specific IgE concentrations in predicting symptomatic food allergy. J Allergy Clin Immunol 2001; 107: 891–896.
(2) Sabouraud-Leclerc D. L’immunothérapie au cours de l’allergie alimentaire : l’état des lieux en 2013. Rev Fr Allergologie 2013; 53: 20–31.
(3) Chabbert-Broué A, Juchet A. Quand prescrire et comment interpréter le dosage des allergènes moléculaires en allergie alimentaire ? Rev Fr Allergologie 2012; 52: 234–236.
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