Les enfants autistes présentent, très souvent, des troubles digestifs associés à des troubles du comportement alimentaire. Ils éprouvent, par exemple, des difficultés pour repérer et apprécier les aliments selon leurs textures et leurs couleurs. « Les autistes sont trois fois plus nombreux à présenter des symptômes digestifs que le reste de la population ; ils ont des choix alimentaires très spécifiques. À partir de ce constat, des travaux (1) se sont intéressés aux enfants autistes atteints de maladie cœliaque. Elles ont conclu que leur régime (sans gluten) peut avoir un effet bénéfique sur l'autisme », affirme le Pr Jean-Michel Lecerf, médecin nutritionniste, service de nutrition de l'Institut Pasteur de Lille.
Pas d'études concluantes sur le régime SGSC
D'autres études (2) ont mis en évidence l'amélioration de l'autisme chez des enfants ayant suivi un régime sans gluten et sans caséine (SGSC). Elles ont donné lieu à une hypothèse : la théorie opioïde qui consiste à exclure les peptides opioïdes de l'alimentation des autistes. Ces peptides (séquences d’une dizaine d’acides aminés potentiellement agonistes) sont présents, entre autres, dans le gluten (glutéomorphines) et la caséine (casomorphines).
La théorie opioïde met en exergue l'hyperperméabilité intestinale des patients autistes : les peptides opioïdes franchiraient, ainsi, la barrière intestinale, passant par le sang et s'accumulant dans le cerveau (en se liant à des récepteurs présents dans le système nerveux central), engendrant les symptômes neuropsychologiques caractéristiques de l'autisme. « Il existe, néanmoins, peu d'études rigoureuses (menées en double aveugle) sur les régimes SGSC chez les autistes. Après avoir effectué une revue de la littérature sur le sujet, j'en ai retenu trois (3) et aucune n'est positive. Aucune ne trouve de différences objectives entre les patients autistes ayant suivi un régime SGSC et ceux qui ont continué à consommer du gluten et de la caséine », indique le Pr Lecerf. Il n'y a donc pas de preuve de son intérêt.
Des bénéfices constatés chez certains enfants
Pourtant, dans les faits, certains enfants autistes montrent une réelle amélioration avec le régime SGSC. « Aujourd'hui, l'état de la recherche ne permet pas encore de savoir pourquoi ces patients se portent mieux par le biais de ce régime tandis que d'autres n'en tirent aucun bénéfice. Chez ces derniers, le régime SGSC peut même être délétère et entraîner des carences. Il ne faut donc pas mettre systématiquement tous les enfants autistes au régime SGSC », rappelle le Pr Lecerf.
À la suite de l'analyse de la littérature sur le régime SGSC, les chercheurs de l'Institut Pasteur de Lille estiment que les parents d'enfants autistes peuvent leur faire tester ce régime. Toutefois, si au bout d'un mois ou deux l'enfant n'en tire aucun bénéfice, il doit être abandonné. « Et si le régime SGSC se montre bénéfique l'enfant, les parents peuvent le poursuivre avec l'aide d'un médecin nutritionniste pour favoriser une alimentation équilibrée », précise le Pr Lecerf.
Une chose est sûre : le régime SGSC peut améliorer certains symptômes chez quelques enfants, mais il ne guérit pas la maladie et entraîne des contraintes importantes. La consommation de gluten et de caséine pourrait être un facteur aggravant l'autisme ; elle n'en est pas la cause. L'étiologie de l'autisme n'est, d'ailleurs, pas encore élucidée.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Michel Lecerf, médecin nutritionniste, service de nutrition de l'Institut Pasteur de Lille
(1) Fasano A et al. Arch. Intern. Med. 2003(163):286
(2) Mulloy A et al. Res. Autism Spectr. Disord. 2010(4):328
(3) Elder JH et al. J. Autism Dev. Disord. 2006 36;413S.
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