CHERCHEUR à l’unité INSERM 872 (département Santé publique et Informatique médicale de la faculté René-Descartes-Paris-V), Pierre Meneton s’est taillé la réputation d’un héraut de la nutrition saine jusque dans les prétoires. La Compagnie des salines l’a ainsi traîné en correctionnelle (« le Quotidien » du 31 janvier 2008), s’estimant diffamée par ce bouillant lanceur d’alerte. Dans ce qu’il qualifie d’ « une histoire de gros sous », son livre n’y va pas avec le dos de la salière. Certes, convient-il, il existe d’autres habitudes mortelles, comme le tabac ou l’alcool. Mais un fumeur prévenu peut arrêter de fumer, il peut éventuellement décider d’abandonner sa cigarette. Le buveur averti peut aussi, avec ou sans l’aide d’un tiers, renoncer à la bouteille. Toux deux restent (plus ou moins) maîtres de leurs prises de risques. Il en va tout autrement de la victime du tueur masqué qu’est le sel : d’une part, l’ennemi est indécelable car principalement ajouté aux aliments transformés par le secteur agro-alimentaire. D’autre part, il bénéficierait, accuse-t-il, de la complicité passive des pouvoirs publics, lesquels, devant un secteur qui draine des milliards d’euros, feraient passer les critères économiques devant le souci de la santé des foules.
Une soixantaine d’études.
Le livre enjambe les siècles et les continents pour détailler les approches anthropologiques du sujet. Et il reprend l’ensemble de la littérature scientifique disponible, soit une soixantaine d’études consacrées à l’effet de la restriction sodée sur le niveau de pression artérielle, la HTA, avec les accidents cardio-vasculaires et les accidents vasculaires cérébraux, constituant l’arme principale du crime salin. Les analyses qui compilent l’ensemble de ces publications montrent qu’une réduction de l’apport journalier en sel de 6 g se traduit par une baisse moyenne des pressions artérielles de 3,8 et 1,4 mm de mercure chez les hypertendus et de 1,1 et 0,1 mm chez les normotendus.
Certes, reconnaît Pierre Meneton, une question reste à documenter sur le long terme : que devient la pression artérielle lorsque l’apport sodé est réduit depuis les stades de développement intra- et extra-utérins, jusqu’au vieillissement l’organisme ? À défaut d’études, il remarque que, dans des populations où l’on absorbe moins de 3 g de sel par jour (Indiens Xingu d’Amazonie, Papous de Nouvelle-Guinée), la pression artérielle n’augmente pas avec l’âge et les maladies cardio-vasculaires sont pratiquement inconnues.
Pour démasquer le tueur, l’auteur recommande à ses lecteurs de faire réaliser des analyses d’urine, l’excrétion urinaire de sodium pouvant être multipliée par dix d’un individu à l’autre. Dressant la liste des plats à bannir (chips et beurre salé, bien sûr, mais aussi fromages, potages, sauces et pain dit normal), il propose des recettes sans risque salin, comme celle des escalopes de dinde au yaourt et à la ciboulette. Histoire de montrer que, pour être lanceur d’alerte diététique, on n’en est pas moins gourmet.
« Le Sel, un tueur caché », de Pierre Meneton, Éditions Favre, 176 pages, 16 euros.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?