L’allergie à l’arachide est de plus en plus fréquente, avec une prévalence estimée entre 0,3 et 0,75 % en France, sans doute en raison de modifications environnementales au sens large (et l’éviction prolongée de l’arachide, y compris pendant la grossesse, n’améliore pas ces chiffres, au contraire !) ; l’âge médian au diagnostic est tôt dans la vie, 3 ans dans l’étude observationnelle Mirabel menée récemment en France, en Belgique et au Luxembourg.
Une suspicion d’allergie à l’arachide (sur une situation clinique : urticaire aiguë, œdème de Quincke, douleurs abdominales, vomissements, symptômes respiratoires, choc, survenant très vite après consommation d’arachide) doit être confortée par un test cutané à lecture immédiate (prick test, le gold standard), et un dosage des IgE spécifiques, voire un test de provocation à l’arachide en centre spécialisé, en cas de doute. Cette allergie est aussi potentiellement sévère : 30 % des patients de l’étude Mirabel (86 % sont âgés de moins de 16 ans) ont fait une réaction anaphylactique, de tropisme respiratoire (asthme aigu, angiœdème laryngé, pour 11 %), systémique sérieuse liée à « l’inondation » allergique (plusieurs organes touchés pour 15 %) ou même un authentique choc (4 %). La réaction se produit très majoritairement à l’ingestion, mais aussi – rarement — à l’inhalation.
Ainsi, l’arachide et les fruits à coque (allergie croisée chez 37 % des patients de l’étude Mirabel) sont la cause numéro un de réaction anaphylactique alimentaire chez l’enfant et chez l’adulte… et de décès d’origine alimentaire (quelques cas rapportés par an).
Une trousse d’urgence
Le traitement consiste en l’éviction (facilitée par l’étiquetage obligatoire des produits manufacturés) et la mise à disposition d’une trousse d’urgence (stylo auto-injecteur d’adrénaline, anti-histaminique et bêta-2 mimétique) assorti d’un plan d’action écrit, et pour l’école d’un projet d’accueil individualisé. « Les indications des stylos auto-injecteurs d’adrénaline ont été bien précisées, souligne le Dr Deschildre, formelles en cas d’antécédent de réaction sérieuse ou de terrain asthmatique. » L’injection doit être réalisée avant même l’arrivée des secours, les enfants et leurs proches étant éduqués à la reconnaissance et à la gestion des symptômes la justifiant.
Autre proposition thérapeutique, « active », lancée en centre expert après confirmation de l’allergie (test de provocation orale réalisé à l’hôpital sous surveillance médicale étroite) et évaluation de la dose réactogène, l’immunothérapie par voie orale, où l’on donne tous les jours une certaine quantité d’arachide selon un protocole individualisé. L’objectif est alors que les enfants puissent rencontrer l’allergène sans conséquence. Le profil des patients susceptibles de bénéficier de ce traitement doit encore être caractérisé. « La voie épicutanée (patch) fait l’objet de travaux de recherche dont on attend la publication des résultats », signale-t-il. Les résultats d’une étude anglaise* sur la prévention primaire ou secondaire de l’allergie à l’arachide ont été publiés en 2015, puis en 2016 (Études LEAP et LEAP-on). Des enfants de 4 à 11 mois à risque (eczéma sévère ou allergie à l’œuf), étaient randomisés en 2 bras, les uns consommant l’équivalent de 6 g par semaine de protéine d’arachide jusqu’à l’âge de 5 ans, les autres étant maintenus en éviction. Le risque de survenue d’une allergie à l’arachide était réduit de 86 % (versus le bras « éviction ») pour les enfants dont le prick-test était négatif à l’inclusion, de 70 % quand le prick-test à l’arachide était faiblement positif. Cette protection vis-à-vis de l’allergie est maintenue à l’âge de 6 ans, alors que la consommation d’arachide était interrompue pendant un an pour tous les enfants, puis un nouveau test de provocation pratiqué. « La protection, spectaculaire, vis-à-vis de l’allergie à l’arachide est ainsi confirmée dans ce groupe de patients à risque, note le Dr Deschildre, ce qui met à mal le dogme qui voulait que l’on donne aux nourrissons le plus tard possible les aliments réputés allergisants. » L’introduction doit au contraire se faire précocement, à partir du 2e trimestre de vie. Les dernières recommandations du comité de nutrition de la Société française de pédiatrie vont dans ce sens. Pour tous les nourrissons, y compris en cas d’antécédents familiaux d’allergie, celles-ci préconisent de commencer la diversification à partir de 4 mois et avant 6 mois, et précisent que rien ne justifie de retarder l’introduction des aliments les plus allergisants (œuf, arachide, poisson, blé, etc.).
* http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1414850#t=articleResults
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?