« Nous prouvons de manière irréfutable que les micro-organismes intestinaux jouent un rôle essentiel dans notre capacité d’adaptation à l’environnement en régulant directement notre équilibre énergétique. Nous sommes impatients d’explorer le potentiel thérapeutique de ces résultats et d’évaluer si le fait de cibler certaines bactéries pourrait offrir une approche prometteuse pour prévenir l’obésité et les troubles métaboliques associés », explique le Pr Mirko Trajkovski de l’Université de Genève (Suisse).
Les mammifères, y compris les humains, possèdent deux types de graisses : la blanche, qui stocke l’énergie et dont l’excès contribue à l’insulinorésistance et l’obésité ; et la brune ou beige, qui brûle les calories emmagasinées pour générer de la chaleur et qui accroît la sensibilité à l’insuline.
En réponse au froid, comme lors de l’exercice physique, des cellules de la graisse blanche se transforment en graisse brune (ou graisse beige), et ce processus de « brunissement » de la graisse blanche protège contre l’hypothermie et l’obésité.
Puisque le microbiote intestinal joue un rôle majeur dans l’équilibre de nos fonctions physiologiques et qu’il est impliqué dans l’obésité, pourrait-il participer à cette réponse au froid ? C’est ce qu’ont examiné le Pr Trajkovski et son équipe dans une étude publiée dans Cell.
Effets de la transplantation
Lorsque des souris sont exposées au froid ambiant (6 degré Celsius) pendant un mois, la composition de leur microbiote intestinal (J 30) se modifie profondément, avec augmentation des Firmicutes par rapport aux Bacteroidetes, et quasi disparition des Verrucomicrobiotes, en particulier des bactéries Akkermansia muciniphila. Ces changements, plus drastiques que les différences du microbiote précédemment observées entre individus obèses et individus de poids normal, s’avèrent favoriser une plus grande extraction d’énergie face au froid.
En effet, les chercheurs ont transplanté ce « microbiote du froid » chez des souris sans germes (dépourvues de microbiote car élevées en environnement stérile) afin d’évaluer l’impact.
La transplantation du microbiote du froid confère aux souris une tolérance immédiate au froid, comme le montre l’absence de chute transitoire de leur temporelle corporelle après 4 h d’exposition au froid (à la différence des souris transplantées avec un microbiote normal). De plus, ce microbiote du froid transplanté améliore la sensibilité à l’insuline, augmente la dépense d’énergie et leur fait perdre du poids (à court terme), en stimulant la formation de graisse beige.
Après 3 semaines d’exposition au froid, les souris transplantées avec le microbiote du froid reprennent toutefois du poids. Les chercheurs ont découvert avec surprise que le microbiote du froid remodèle l’intestin, allongeant l’intestin grêle et ses microvillosités, et augmentant ainsi sa surface absorbante pour les nutriments.
Puisque ces changements morphologiques de l’intestin sont aussi observés chez des souris privées de microbiote par antibiothérapie prolongée (1 mois) - également un état d’équilibre énergétique négatif - ce pourrait être là un mécanisme adaptatif général qui augmente l’apport calorique lorsque la nourriture est disponible.
Une bactérie fascinante appelée Akkermansia muciniphila
La bactérie Akkermansia muciniphila (gram négatif), quasi absente du microbiote modifié par le froid, est un élément essentiel de ce mécanisme d’adaptation au froid ; en effet, son administration aux souris exposées aux froid prévient l’élongation de l’intestin, et les souris continuent de perdre du poids.
A. muciniphila constitue 3 à 5 % du microbiote intestinal normal, mais une moindre abondance est observée chez les obèses. Dès lors, cette bactérie, qui vit dans la couche de mucus et dont les taux augmentent suite à l’ingestion de prébiotiques, pourrait-elle offrir une nouvelle cible pour contrôler l’obésité ?
Des études animales ont déjà montré que l’administration d’A. muciniphila pouvait en partie protéger contre l’obésité, améliorer l’insulinorésistance et renforcer la barrière muqueuse intestinale.
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