Les adolescents Indiens, entre traditions et modernité

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Publié le 08/03/2018
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Crédit photo : PHANIE

On retrouve sur tous les continents un phénomène de « mangeur urbain », qui évolue entre rythme effréné et défiance croissante vis-à-vis de l'alimentation industrielle. « En Inde, les jeunes sont pris entre la tradition et ce qui se passe à l’extérieur », a expliqué la Pr Shagufa Kapadia (Université de Baroda, Vadodara, Inde) lors d'un colloque à l'UNESCO (1). D'après ses enquêtes auprès d’adolescents (18-21 ans) vivant dans un milieu urbain à Baroda, leur comportement alimentaire était en train d’évoluer, dans un contexte de changement social et de mondialisation. « L’Inde est un pays jeune, 65 % de la population est âgée de 18 à 29 ans et ce sont ces jeunes qui sont le véritable moteur du changement », souligne-t-elle.

À la maison, le végétarisme de rigueur

La tradition, les jeunes Indiens la respectent dans les repas pris à la maison, avec une alimentation végétarienne, préparée par la mère. Le thali est le principal plat, avec du riz, un ou deux chapatis (pains frits), des currys de légumes ainsi qu’un dal (soupe épicée aux lentilles).

Les repas sont des moments importants de partage. Selon l’ayurveda (science de la vie), tout être humain peut trouver l’équilibre et l’harmonie, notamment grâce à une meilleure compréhension et une connaissance de son alimentation. Il s’agit d’une approche à la fois physique, mentale, sociale et spirituelle.

L’alimentation ayurvédique repose sur le principe des trois doshas qui régissent l’équilibre de la santé (vata, pitta et kapha). La tradition veut aussi que l’on retrouve les six saveurs dans chaque repas : l’amertume, la douceur, l’acidité, la salinité, l’astringence, l’âcreté. Les aliments piquants et épicés sont fréquemment utilisés, compensés par d’autres aliments plus doux (petit lait par exemple).

Il faut également respecter certaines pratiques. Notamment, manger avec les doigts de la main droite (la main gauche étant dévolue à des activités impures), répandre quelques gouttes d’eau autour de son assiette, réciter un mantra et évoquer Annapurna Devi (la déesse nourricière).

À l’extérieur, la transgression

Mais les jeunes qui suivent des études, très occupés par leur travail, prennent un repas en dehors du domicile dans l’établissement scolaire ou, de plus en plus souvent dans les étals dans la rue. « C’est ainsi qu’ils font beaucoup de petits arrangements avec la tradition », a expliqué la Pr Shagufa Kapadia.

Ils apprécient cette nourriture, moins chère, pratiques et plus accessible. Les aliments sont préparés devant eux. Dans la rue, il y a une vie sociale, on retrouve les amis, et une relation de confiance s’établit avec le vendeur.

Une grande variété de chatpatas (pâte frite), collations salées, épicées sont proposées. « Et en plus, comme pour tous les jeunes, il y a un côté transgressif qui les attire : ils peuvent manger quelque chose d’interdit, comme, les œufs brouillés à l’indienne avec beaucoup d’épices, ce qui les change du végétarien strict à leur domicile », a ajouté la Pr Shagufa Kapadia.

Ainsi, ces jeunes consommateurs urbains des classes moyennes deviennent pragmatiques. Ils ont beaucoup de choses à faire et mangent rapidement à l’extérieur. Ils restent cependant toujours méfiants vis-à-vis de la viande et du poisson, des fruits et légumes hors saison et de l’eau qui ne serait pas embouteillée.

(1) UNESCO. Manger en ville : une défiance durable ? 6 déc 2017

Christine Fallet

Source : Nutrition