Le jeûne devient obsolète

Les parturientes peuvent s’alimenter… un peu

Publié le 25/03/2009
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LE DOGME remontait à 1946. Depuis quelque temps il était sérieusement égratigné. Et voila que des médecins britanniques le bousculent définitivement. Oui, il est possible à une femme en travail de s’alimenter (de façon légère) et de boire (des boissons « légères » aussi).

Pourquoi cet interdit ? Simplement depuis la description par Mendelson de l’inhalation du contenu gastrique. Alors qu’ en pratique, cette pathologie a quasiment disparu au cours des dernières années. Elle est d’autant moins à redouter que la péridurale remplace largement l’anesthésie générale, en cas de nécessité.

Conscients du manque d’études assez démonstratives pour faire changer les pratiques, Geraldine O’Sullivan et coll. ont enrôlé 2 426 femmes, à Londres. Toutes avaient plus de 18 ans, étaient primigestes, en bonne santé et ne portaient qu’un seul enfant. Au moment de l’étude, elles étaient à 36 semaines de grossesse, la dilatation était à moins de 6 cm avec une présentation céphalique. Elles ont été alors scindées en deux groupes. L’un dit « eau » (avec ou sans glace) et l’autre dit « nourriture ». Dans ce dernier, il s’agissait de répartir de petites quantités de pain, biscuits, légumes, fruits, yogourt allégé, boissons isotoniques, jus de fruits, eau.

Le taux de naissance par voie basse est le même.

L’analyse des diverses constantes mesurées ne montre aucune différence significative entre les deux groupes. Le taux de naissance par voie basse est le même pour toutes : 44 %. La durée du travail n’est pas modifiée avec une moyenne géométrique de 597 min (nourriture) contre 612 (eau). L’incidence des césariennes est la même 30 %. Quant aux vomissements, données similaires avec 35 et 34 % (respectivement). Enfin, très important, aucune conséquence au plan néonatal n’a été relevée.

Les auteurs font un autre constat, la suppression de nourriture ne semble pas non plus délétère.

Quant au risque d’inhalation du liquide gastrique, l’étude ne peut dire s’il est modifié ou non en raison de sa très faible incidence actuelle.

Ce travail conforte donc l’attitude des obstétriciens qui n’astreignent plus les parturientes au jeûne. Une attitude laxiste plus répandue en Europe qu’aux États-Unis. En effet, aux Pays-Bas, 79 % des médecins autorisent des repas légers et 32 % au Royaume-Uni. Il faut ajouter que l’inhalation de liquide gastrique a régressé en raison de l’utilisation des péridurales, d’antagonistes H2 et d’inhibiteurs de la pompe à proton, ainsi que grâce à l’amélioration des pratiques en anesthésie obstétricale.

BMJ 2009;338:b784.

Dr GUY BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr