Les peurs alimentaires, justifiées ou amplifiées ?

Publié le 22/06/2011
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Crédit photo : S TOUBON

Les peurs liées à l’alimentation ne datent pas d’aujourd’hui, mais trouvent un terreau fertile dans les récentes crises sanitaires, la perte de confiance vis-à-vis des politiques et des experts, la surabondance d’informations peu ou pas contrôlées, le recours systématique au principe de précaution ; la distance entre aliment et consommateur se fait de plus en plus grande, le traditionnel et le « fait maison » s’opposent aux nourritures industrielles, tandis qu’on demande à l’alimentation de nous maintenir en bonne santé. « Ces peurs ne semblent pas ou peu justifiées, du moins au niveau des populations, explique le Dr Pascale Modaï, mais dans cette « cacophonie diététique » on écoute plus les marchands de peur que les scientifiques ».

•La consommation de viande a été suspectée d’augmenter le risque cardio-vasculaire et celui de cancers. C’est ignorer que les viandes sont diverses, avec une teneur en graisse très variable, de 5 à 30 %, mais jusqu’à 40 % pour le saucisson ou le pâté ; c’est oublier aussi que les protéines aident à contrôler le poids ! En ce qui concerne le cancer, une méta-analyse montre l’absence de lien entre viande et cancer du côlon ; une autre rapporte une augmentation modérée du risque de cancer colorectal chez les gros consommateurs de viande rouge et de charcuterie. Pourraient être impliqués l’excès de fer héminique pro-inflammatoire, le mode de cuisson, la présence de sels nitrés dans la charcuterie ; l’obésité serait surtout liée au comportement alimentaire global des gros mangeurs de viande/charcuterie.

•Les produits laitiers ont eux aussi une composition très variable. Leur rôle dans la maladie cardio-vasculaire n’a jamais été mis en évidence tandis qu’il a été prouvé que les consommateurs de produits laitiers développaient moins souvent de diabète. Un apport de calcium›1,5 g/jour pourrait être impliqué dans certaines formes de cancers de la prostate. Selon certaines théories, le calcium favoriserait la résorption osseuse en stimulant les ostéoblastes jusqu’à leur épuisement mais l’impact délétère du calcium sur l’os n’a jamais été montré et au contraire les produits laitiers ont fait leurs preuves dans la prévention de l’ostéoporose. Quant à l’intolérance au lactose, elle concernerait 10 % des adultes et uniquement avec le lait pur, mais elle est souvent confondue avec le syndrome de l’intestin irritable.

•L’huile de palme est de plus en plus utilisée du fait de sa stabilité à forte température et de son coût avantageux. Elle pose incontestablement un problème environnemental, mais ne semble pas exercer d’effets délétères sur la santé sauf en cas de consommation excessive (hypercholestérolémie) ; elle est certes la plus riche en AG saturés (51 %) mais aussi en AG insaturés (49 %) et en vitamine A et E.

•L’aspartame est régulièrement mis en cause, malgré les 30 ans de recul et l’absence d’effet carcinogène ou tératogène prouvé dans quelque 200 essais expérimentaux. La dose journalière admissible (DJA) est de 400 mg/kg/jour, ce qui correspond pour un sujet de 40 kg à 10 litres de boissons light par jour. Les deux études récentes, l’une remettant en cause le potentiel carcinogène chez la souris l’autre le risque d’accouchement prématuré n’ont pas amené l’EFSA/ANSES à modifier les DJA.

D’après la communication du Dr Pascale Modaï, nutritionniste, Paris.

Dr Maia Bovard-Gouffrant
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Source : Nutrition