S'il n'est pas possible d'agir sur les facteurs génétiques et héréditaires de démence, la prévention par le biais de l'alimentation est une stratégie intéressante. « Les études scientifiques (essais cliniques) ne démontrent pas, à ce jour, l'effet protecteur de la consommation de certains nutriments -au niveau cérébral- chez les personnes âgées. Il existe, néanmoins, de fortes hypothèses allant dans ce sens, fondées sur des études d'observation », assure Catherine Féart, chercheuse au sein de l'équipe Exposition Vie Entière, Santé, Vieillissement, INSERM U1219, à l'Université de Bordeaux.
Le syndrome démentiel se caractérise, le plus souvent, par la maladie d’Alzheimer (MA), mais aussi, par la démence liée à des facteurs vasculaires (diabète, hypertension, obésité…). Les processus neurodégénératifs menant à la MA débuteraient 20 à 30 ans avant l’apparition des premiers signes cliniques (2). Au cours de cette période, il serait possible de retarder le déclin cognitif et la survenue de démence par le biais d'une alimentation adaptée. La recherche en la matière repose sur des hypothèses physiopathologiques faisant intervenir, seuls ou en combinaison, les anti-oxydants, les vitamines du groupe B et E et les acides gras. « Les travaux consistant à étudier, au même moment, les consommations de nutriments et la prévalence d'un trouble cognitif ne permettent pas de renseigner sur le sens de l'association : une consommation faible d'un nutriment est-elle la conséquence d'un trouble cognitif altérant les habitudes alimentaires, ou bien, la cause d'un dysfonctionnement cérébral ? Seules les études longitudinales qui renseignent sur les consommations en amont de l'apparition de la maladie permettent de s'affranchir de ce biais de causalité inverse », précise Catherine Féart.
Des nutriments bien représentés dans le régime méditerranéen
Le statut en vitamines B joue un rôle déterminant dans la survenue du déclin cognitif et le risque de démence vasculaire. De fait, les vitamines B6, B12 et les folates déterminent la concentration en homocystéine. Des taux élevés de cet acide aminé dans le sang sont reconnus comme étant un facteur de risque d'accident vasculaire cérébral et de démence. « Parmi les nutriments au fort pouvoir anti-oxydant, plusieurs études longitudinales, dont la nôtre, ont mis en avant les effets bénéfiques du bêta-carotène et de la lutéine sur le déclin cognitif et le risque de démence », confie Catherine Féart.
Quant aux acides gras oméga-6 et oméga-3 dont le DHA -fourni, notamment, par la consommation de poissons et de produits de la mer- ils sont essentiels au fonctionnement optimal des processus neurologiques. « Les oméga-3 à longue chaîne sont impliqués dans la croissance nerveuse hippocampique, l'amélioration de la fluidité des membranes synaptiques et l'induction d'enzymes anti-oxydantes », précise Catherine Féart. Apportée par les mêmes sources alimentaires que les oméga-3, la vitamine D suscite, depuis peu, un intérêt croissant dans la prévention du déclin cognitif. Les derniers travaux de l'équipe Exposition vie entière, santé, vieillissement (3) ont mis en exergue la pertinence d'une complémentation systématique en vitamine D chez les sujets âgés, dès 65 ans. « En France, les trois quarts des seniors ont un statut insatisfaisant en vitamine D », déplore Catherine Féart.
Enfin, le fameux régime méditerranéen est reconnu comme idéal en prévention du déclin cognitif et de la démence. Car il comprend tous les nutriments nécessaires au fonctionnement optimal du cerveau. « L'apport des nutriments bénéfiques pour la cognition doit se faire, de préférence, par le biais d'une alimentation équilibrée plutôt que par une supplémentation. Les pathologies démentielles apparaîtraient, en partie, à la suite de mauvaises habitudes alimentaires cumulées sur de nombreuses années. S'il n'est jamais trop tard pour prévenir ces maladies, l'idéal est d'adopter les bons réflexes alimentaires dès le plus jeune âge », conclut Catherine Féart.
D'après un entretien avec Catherine Féart, chercheuse au sein de l'équipe Expositions vie entière, santé, vieillissement, INSERM U1219. Université de Bordeaux.
(1) OMS, Dementia : A public health priority. 2012. http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/75263/1/9789241564458_eng.pdf].
(2) Canevelli M. et al. Nutrients. 2016 Mar;8(3):144.
(3) Étude de la part des facteurs vasculaires dans la démence auprès d'une cohorte de 2 100
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