« Nos travaux, auprès de 7 000 foyers français durant un an, nous ont permis de repérer un effet majeur de l'âge et de la composition des ménages sur les pratiques alimentaires, explique Séverine Gojard, directrice de recherche à l'Inra, co-autrice de l'étude (1). Les hommes qui vivent seuls ont des comportements assez spécifiques, comparés aux femmes seules ou aux familles. Ils ont une forme d'indifférence plus prononcée vis-à-vis de toutes les recommandations alimentaires. Ce qui confirme que celles-ci ciblent, en priorité, les femmes célibataires et les mères de famille ».
Contrairement aux hommes seuls, les familles avec enfants sont particulièrement consommatrices de produits allégés, d'alicaments ou encore de salades en sachet. Les ménages de retraités achètent plus de légumes, plus de produits issus de l'agriculture biologique et moins de salades en sachets, produits considérés comme plus industriels. « Nous nous sommes demandé si ces différences étaient une question de génération, ou plutôt dues à des effets de cycle de vie et d'évolutions de pratiques au fil du temps », indique Séverine Gojard.
Histoire alimentaire
Trente entretiens ont ainsi été réalisés. La grossesse et la naissance du premier enfant, par exemple, constituent un premier point de rupture : c'est un moment favorable à de plus fortes exigences concernant la qualité de l'alimentation (lire page 16). Les pratiques alimentaires du foyer changent sous l'influence des mères de famille, elles-mêmes influencées par le corps médical et les spécialistes de la petite enfance.
Un déménagement, un changement professionnel, la retraite peut également occasionner de nouvelles pratiques (changement de circuits d'approvisionnement, de budget alimentaire, découverte de nouvelles normes par le biais de nouveaux amis, voisins, collègues…).
« Il existe des points de rupture au niveau des pratiques alimentaires. Lorsque les ressources matérielles et sociales des ménages se modifient, elles peuvent remettre en cause les routines et pratiques alimentaires », résume Séverine Gojard.
Construction sociale
Les pratiques alimentaires sont aussi marquées par le milieu social, qui joue sur la manière dont les habitudes se reconfigurent (lire aussi page 20). Les classes moyennes et supérieures ont plus facilement tendance à revoir leurs pratiques et à intégrer les recommandations d'experts (glanées auprès des médecins, des sites Internet ou dans les livres) que les classes populaires. « Leur niveau d'étude plus élevé renforce leur intérêt pour les recommandations scientifiques sur l'alimentation », considère Séverine Gojard.
Ces travaux montrent que les liens entre pratiques alimentaires et recommandations se construisent de façon sociale et se développent en fonction de facteurs qui peuvent se reconfigurer au gré du parcours de vie de la personne.
(1) Plessz M., et al. How consumption prescriptions change food practices. Assessing the rôle of household ressources and life course events. Journal of consumer culture 1:101.
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