DEPUIS le 15 avril, les passagers obèses, à savoir ceux qui ne peuvent s’asseoir en baissant l’accoudoir et en bouclant normalement leur ceinture, doivent acquitter un deuxième siège pour voler à bord d’United Airlines. Le numéro deux mondial rejoint la pratique tarifaire de huit autres compagnies américaines, parmi lesquelles Continental et Delta, expliquant que, l’an dernier, 700 passagers qui avaient dû partager leurs sièges avec des voisins envahissants s’étaient plaints de leurs conditions de vol. Quelques-uns auraient obtenu des dédommagements par voie de justice. De son côté, la compagnie aérienne à bas coûts Ryanair a commencé la semaine dernière une vaste opération de pesage de ses passagers, lors de l’embarquement, pour pouvoir déterminer un poids moyen au-delà duquel une taxe supplémentaire serait appliquée. Exactement comme dans le cas des surcharges des valises trop lourdes. Ryanair se prévaut en outre d’un sondage effectué auprès de ses clients. À plus de 40 % ceux-ci se sont déclarés favorables à l’introduction d’une taxe fondée sur l’IMC (Indice de masse corporelle) des passagers.
Le débat est récurrent depuis une dizaine d’années et concerne toutes les compagnies. En 2001, Virgin Atlantic avait dû verser 20 000 dollars de dommages-intérêts à une passagère qui s’était plainte d’une sciatique et d’une phlébite à l’atterrissage, après avoir passé dix heures dans l’avion à côté d’un passager qui l’avait empêchée de bouger. À la suite de cette affaire, la Canadian Transportation Agency avait accordé à certaines personnes obèses un statut de handicapées, leur conférant la possibilité d’acheter un deuxième billet à moitié prix, pour leur permettre de prendre leurs aises sans indisposer leurs compagnons de vol.
Tour de taille 135 cm.
À Air France, sans aller jusqu’à consentir une telle réduction, une remise commerciale de 25 % est accordée depuis 2005 sur le deuxième siège acquitté par une personne obèse. Le site Internet du pavillon tricolore précise, à la rubrique « Passagers à forte corpulence », que les sièges à bord ont une largeur de 40 à 43 cm en cabines Tempo et Alizé, ce qui correspond à un tour de taille de 135 cm ; en cabines Espace Affaires moyen-courrier, le tour de taille peut atteindre 149 cm et, en cabines Espace Première et Espace Affaires long courrier, il atteint 200 cm. Pour les passagers qui excèdent ces mensurations, la réservation du deuxième siège est obligatoire.
« Dans la plupart des cas, le personnel navigant parvient à trouver les accommodements pour que personne ne soit gêné, souligne le Dr Patrick Rodriguez, médecin-chef d’Air France. Des personnes obèses ayant réservé en classe économique sont ainsi régulièrement installées en classe affaires, ou assises à côté d’un enfant. »
Une affaire a connu un épilogue judiciaire en 2007 : le passager d’un vol New Delhi-Paris, pesant 160 kg, avait été contraint d’acheter un second billet pour pouvoir regagner la France. Le tribunal de Bobigny, considérant qu’Air France avait « commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en refusant au passager l’accès à bord de l’aéronef à défaut d’accepter l’achat d’un second billet », avait condamné la compagnie à 8 000 euros au titre du préjudice moral (solidairement avec l’agence Go Voyages). Mais c’est surtout l’humiliation subie qui avait motivé les magistrats, le passager se plaignant d’avoir été maltraité au comptoir d’embarquement par un employé qui avait mesuré son tour de taille devant les autres passagers et s’était écrié : « Quelqu’un de gros comme vous aurait dû acheter un extra seat. »
Ce type d’incident ne semble pas s’être renouvelé depuis, se félicite Viviane Gacquière, présidente d’Allegro Fortissimo, une association qui milite depuis 1989 pour l’amélioration des conditions d’accueil des passagers obèses, membre du CISS (Collectif interassociatif sur la santé). Mais le combat continue contre la montée de la grossophobie qui s’accentue, assure-t-elle, avec les décisions prises par United Airlines ou par Ryanair. Les personnes obèses sont victimes du dernier racisme politiquement correct. Elles sont stigmatisées comme si elles étaient coupables de leur état. La politique tarifaire adoptée par un nombre grandissant de transporteurs aériens constitue une pratique discriminante qui contraint beaucoup de personnes obèses à renoncer à la voie des airs pour voyager. Quand on s’obstine, comme c’est mon cas, à voler en classe économique, on s’expose à des conditions physiquement redoutables. » Pour Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses, « les autorités feraient mieux de gérer les causes de l’obésité plutôt que leurs conséquences en faisant payer ceux qui sont atteints de surpoids. »
Allegro Fortissimo propose des alternatives au principe du tarif « classe obèses », comme l’instauration d’une grille horaire, modulée selon le coefficient de remplissage des appareils. La direction d’Air France se déclare disposée à négocier avec les associations pour conjurer le principe d’une « taxe obésité ».
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