NOVEMBRE 2008. Une femme de 42 ans a du mal à marcher, est essoufflée et présente des étourdissements. La veille, elle a fait un trajet en voiture de près de deux heures ; après cela, elle a eu mal dans le bas du dos et la fesse gauche, avec irradiation jusqu’à la cheville ; le lendemain matin, sa jambe gauche est pourpre. Elle est adressée aux urgences. Depuis quatre ans, elle est sous lévothyroxine et, depuis un an, elle prend une pilule contraceptive associant de la drospirenone et de l’éthinylestradiol. Trois jours auparavant, se trouvant un peu grosse, elle s’est mise à un régime qui inclut 225 grammes de pamplemousse tous les matins (auparavant, elle ne mangeait que rarement de cet agrume).
A l’examen, sa jambe est ferme et gonflée. Les pouls fémoral, poplitée et pédieux sont perçus. L’échographie montre une thrombose veineuse profonde qui s’étend de la veine iliaque externe aux veines du mollet. Etant donné la présence d’une phlegmatia cerulea dolens, on redoute la survenue d’une gangrène veineuse et la perte du membre. On met donc la patiente sous perfusion d’HBPM et on fait une thrombolyse par tPA.
A l’imagerie de contraste, une sténose est bien visualisée au niveau de la veine iliaque commune gauche, approximativement au niveau de L5, ce qui suggère un syndrome de May-Thurner. On met en place un stent. Le soir même, la patiente n’a plus mal et sa jambe retrouve sa coloration normale. Elle quitte rapidement l’hôpital avec une ordonnance de warfarine ; on lui demande l’arrêt de sa contraception orale. Le bilan montre qu’elle présente une mutation du facteur V (facteur V Leiden).
Le syndrome de May-Thurner a été décrit en 1957 par R. May et J. Thurner ; mais avant eux, en 1851, Virchow avait évoqué ce trouble, arguant du fait que la thrombose veineuse profonde de jambe est trois fois plus fréquente à gauche qu’à droite. Ce syndrome résulte de la compression de la veine iliaque commune gauche entre, en avant, l’artère iliaque commune droite et, en arrière, le corps de L5. Les pulsations artérielles induisent une hyperplasie intimale de la veine.
Triade de Wirchow.
La sténose de la veine iliaque gauche n’est pas rare mais pour qu’une thrombose survienne, les trois composantes de la triade de Wirchow doivent être présents : stase, lésion endothéliale et hypercoagulablité.
Chez la patiente dont il est ici question, deux éléments ont contribué à l’effet procoagulant : la mutation du facteur V (facteur V Leiden) et l’utilisation d’un contraceptif estrogénique. Mais qu’est-ce qui a déclenché la thrombose ce jour-là ? « Il est vraisemblable que la stase est survenue alors que la veine, déjà sténosée, de notre patiente a été comprimée par la flexion de la hanche au cours du trajet en voiture, indiquent les auteurs qui rapportent cette observation dans le " Lancet ". Nous formons l’hypothèse qu’elle avait aussi une hypercoagulabilité renforcée du fait de son nouveau régime. Le jus de pamplemousse peut augmenter la biodisponibilité de l’éthinylestradiol en inhibant le CYP3A4, une enzyme cytochrome P450 fortement exprimée dans la paroi du grêle. Cette enzyme métabolise de nombreux médicaments, y compris l’éthinylestradiol, les dihydropyridines et les statines. »
Lucida Grande et coll. « The Lancet » du 4 avril 2009, p. 1 222.
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