CET HOMME n’a pas d’antécédent de thombopénie ou de diathèse hémorragique et ne prend ni médicament ni boisson contenant de la quinine. Quatre jours plus tard, ses plaquettes sont revenues à la normale. On met alors la thombopénie transitoire sur le compte d’une erreur de laboratoire.
Mais huit mois plus tard, le même tableau clinique se produit et les plaquettes ont à 37x109/l. Le reste de la numération est normal. Et, en quelques jours, les plaquettes reviennent à la normale.
Le patient se rappelle qu’avant chaque épisode de thrombopénie, il a mangé des noix. Ce qui suggère une relation de cause à effet entre les noix et les manifestations du patient. Dès lors, on hospitalise le patient pour un test de provocation. Ses plaquettes sont à 233x109/l. On lui fait manger 100 g de noix à 17 heures précises. Au bout de quatre heures, il développe fièvre (38°7) nausées et vomissements. Mais ni éruption, ni angio-œdème ni hypotension. Au bout de huit heures, les nausées et la fièvre disparaissent mais on constate que le patient saigne au niveau d’une petite plaie et qu’il développe un gros hématome au niveau d’un site de ponction veineuse. Quinze heures après l’ingestion des noix, on dose ses plaquettes : elles sont tombées à 4x109/l. Les globules rouges et les globules blancs sont en revanche normaux. On recherche des IgE spécifiques contre les noix mais on n’en trouve pas. Comme dans les épisodes précédents, les plaquettes sont redevenues normales à J4.
La rapide amélioration des plaquettes après chaque épisode suggère que la thombopénie peut avoir été provoquée par un anticorps anti-plaquette spécifique à une substance présente dans la noix. Dès lors, on analyse un échantillon de sang qui avait été prélevé quand les plaquettes étaient normales. On découvre des titres élevés (1/32) d’IgG ; ces IgG réagissent avec les plaquettes en présence d’un extrait de noix anglaise (Juglans regia). En revanche, on ne retrouve pas cette activité avec un sérum témoin. Les anticorps du patient ne réagissent pas avec les plaquettes d’un patient atteint de thrombasthénie de Glanzmann, dépourvues d’intégrine de surface alphaIIb/bêtaIIIa. Ce résultat prouve que les épisodes thrombopéniques du patient étaient provoqués par un anticorps réagissant avec l’intégrine alphaIIb/bêtaIIIa en présence d’une substance soluble de la noix.
Le patient a exclu les noix de son alimentation et, quand il a été revu en mai 2010, il ne présentait plus aucun symptôme.
Un anticorps spécifique identifié.
De nombreux médicaments sont connus pour provoquer une thrombopénie d’origine immunologique ; mais on ne dispose que de rares observations convaincantes concernant des aliments ou des boissons. Les cas rapportés concernant les haricots africains, les graines de sésame, le jus de cranberry, le lait de vache et le Jui, une herbe chinoise médicinale. « À notre connaissance, expliquent Roos Achterbergh et coll., c’est le premier cas dans lequel un patient rapporte des symptômes systémiques et dans lequel un anticorps spécifique des plaquettes présent dans l’aliment impliqué est identifié. Avec ces résultats et la positivité du test de provocation, notre patient réunissait tous les symptômes d’une association entre exposition et thrombopénie : l’exposition aux noix a entraîné une thrombopénie aiguë rapidement régressive ; aucune autre cause de thrombopénie n’a été identifiée. »
Le test de provocation, nous l’avons dit, a entraîné une profonde thrombopénie et uns saignement ; rétrospectivement, les auteurs pensent qu’ils auraient dû commencer le challenge avec une dose de noix plus faible.
The Lancet du 25 février 2012, p. 776.
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