DES CHERCHEURS CANADIENS ont découvert une molécule qui pourrait changer la vie des personnes atteintes de phénylcétonurie. À l’heure actuelle, la seule solution thérapeutique proposée aux patients souffrant de cette maladie métabolique héréditaire consiste en régime alimentaire très strict. La molécule identifiée par Charles Scriver et son équipe pourrait enfin les autoriser à manger ce qu’ils veulent, tout en se préservant des graves symptômes de leur maladie.
Accumulation toxique de phénylalanine.
La phénylcétonurie est liée à un déficit en phénylalanine hydroxylase, une enzyme qui permet de transformer la phénylalanine en tyrosine. La maladie conduit en conséquence à une accumulation de phénylalanine dans l’organisme des patients. Or cette accumulation est toxique. Elle entraîne un retard mental parfois profond ainsi qu'une dépigmentation. Chez les femmes enceintes malades, l’accumulation de phénylalanine peut provoquer une embryoftopathie sévère. L’élimination des sources alimentaires de phénylalanine permet aux malades de mener une vie quasi normale, mais suivre un tel régime est particulièrement contraignant.
Diverses approches visant à traiter la phénylcétonurie par compensation du déficit en phénylalanine hydroxylase ont été développées. Cependant aucune d’entre elles n’est réellement satisfaisante. La stratégie la plus simple consisterait évidemment à administrer aux malades l’enzyme qui leur fait défaut. Malheureusement, cette enzyme est particulièrement instable.
C’est la raison pour laquelle Scriver et ses collaborateurs se sont intéressés à une autre enzyme capable de dégrader la phénylalanine, la phénylalanine-ammonia-lyase (PAL). L’enzyme convertit la phénylalanine en acide trans-cinnamique avec libération de l'ion ammonium. Ces deux substances ne sont pas toxiques et sont facilement éliminées de l’organisme.
La PAL n’est pas naturellement produite dans l’organisme des mammifères, mais il en existe diverses formes chez les cyanobactéries, certaines plantes et quelques champignons. Administrée à un mammifère, elle peut susciter une réaction immunitaire. Il est cependant possible d’éviter ce phénomène en modifiant la structure de l’enzyme par adjonction de groupements polyéthylène glycol (PEG).
Modélisation de la maladie humaine.
L’équipe de Scriver a testé l’efficacité thérapeutique d’une vingtaine de formes de PAL modifiées chez des souris génétiquement modifiées pour modéliser la maladie humaine.
L’enzyme qui s’est avérée la plus efficace n’est curieusement pas celle qui possède la plus forte activité enzymatique. C’est en revanche la plus stable de toutes les formes testées. Elle dérive de la PAL de l’algue Anabaena variabilis.
Dans le modèle murin utilisé par les chercheurs, cette enzyme conduit à une diminution très importante du niveau de phénylalanine mesuré dans le cerveau et le secteur vasculaire des animaux. Son administration par voie sous-cutanée permet d’obtenir une disparition des manifestations pigmentaires de la maladie et une amélioration significative de la santé générale des souris. L’enzyme semble en outre ne pas être reconnue et ciblée par le système immunitaire.
Un essai clinique vient d’être été lancé. Lui seul permettra de savoir si cette enzyme est suffisamment sûr et efficace pour permettre aux patients atteints de phénylcétonurie de manger comme tout le monde.
C. Sarkissian et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?