Les chercheurs de l'Inserm et de l'université de Bordeaux viennent de publier dans « Environmental Research » des données tendant à montrer que la pollution atmosphérique, et en particulier celle causée par les microparticules (moins de 2,5 microns), a un impact sur le vieillissement oculaire. Le glaucome en particulier serait rendu plus fréquent par un amincissement de la couche des fibres nerveuses de la rétine associée à la pollution atmosphérique.
Le glaucome est la seconde cause de cécité dans les pays développés. Elle est associée à un amincissement caractéristique des fibres nerveuses de la rétine et à la destruction progressive du nerf optique, le plus souvent causée par une surpression intraoculaire.
Dans ce travail, les chercheurs ont travaillé à partir de la cohorte Aliénor (consacrée à la recherche de l'impact de facteurs environnementaux sur la santé oculaire), constituée de 683 personnes âgées de 75 ans et plus résidant dans la région bordelaise qui ont été suivies pendant 10 ans.
Les participants ont bénéficié d'un examen oculaire par tomographie en cohérence optique tous les deux ans entre 2009 et 2020 et leur exposition à la pollution atmosphérique a été régulièrement mesurée à l'aide d'une cartographie fournie par l'observatoire de la qualité de l'air de Nouvelle-Aquitaine, couplée à des données géographiques (proximité d'une route, densité de population, distance de la mer, altitude…) et météorologiques.
Au début du suivi, l'épaisseur moyenne des fibres nerveuses était de 90 μm. Les chercheurs ont réparti les membres de la cohorte en 4 catégories, en fonction de leur exposition au PM2,5. Les membres de chaque quartile avaient un amincissement de leurs fibres nerveuses oculaire plus rapide de 0,26 à 0,28 μm par an, par rapport à ceux du quartile inférieur. En 11 ans de suivi, cela représentait un peu moins d'une année de vieillissement en plus (évaluée à 0,36 μm par an). En revanche, il n'y avait pas d'association entre l'amincissement des fibres nerveuses oculaires et l'exposition au dioxyde d'azote.
Un argument pour le renforcement des normes
Selon les auteurs, l'exposition de la totalité des membres de la cohorte était exposée en moyenne sur 10 ans à des niveaux de pollution inférieurs au seuil annuel réglementaire de l’Union européenne, établi à un maximum de 25 μg/m3. Elle était en revanche supérieure aux valeurs limites recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2005 (10 μg/m3) encore abaissées en 2021 (5 μg/m3).
Les résultats de cette étude « constituent un argument supplémentaire en faveur de la baisse des seuils réglementaires européens, comme recommandé par l’OMS, ainsi que de la diminution de l’exposition effective de la population française, qui continue de dépasser par endroits les seuils réglementaires actuels », explique Laure Gayraud, doctorante en épidémiologie et première autrice de l’étude.
Cette étude s'inscrit dans un continuum de travaux qui confortent l'idée qu'une exposition chronique à la pollution atmosphérique a des effets néfastes sur le système nerveux central avec notamment une augmentation du risque de maladies neurodégénératives chez l’adulte et de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant.
Les chercheurs vont désormais élargir le terrain de leur étude à l’échelle nationale, grâce à des données issues d’autres cohortes françaises.
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