Alors que in utero la saturation en oxygène (sat O2) est physiologiquement basse, les nouveau-nés prématurés pourraient-ils bénéficier d'une prise en charge ciblant des chiffres moins élevés pour ce paramètre respiratoire ? La plus faible incidence de la rétinopathie sévère effectivement constatée est balayée par l'augmentation de la mortalité et des incapacités neurosensorielles à l'âge de 2 ans, répond l'étude BOOST-II publiée dans le « New England Journal of Medicine ».
Une cible de sat O2 plus basse comprise entre 85 et 89 % s'accompagne d'une mortalité à l'âge de 2ans plus élevée de 45 % par rapport à un objectif plus élevé compris entre 91-95 %, comme le montre la combinaison post-hoc de deux études individuelles, l'étude BOOST-II en Australie et l'étude BOOST-II au Royaume-Uni. On sait que trop d'oxygène est toxique chez le prématuré (poumon et oeil). Mais l’hypothèse séduisante selon laquelle une sat O2 < 90 % diminue le risque de rétinopathie sévère et ce sans gréver la mortalité n'a pas fait ses preuves.
Des recommandations françaises au diapason
Pour le Pr Jean-Christophe Rozé, pédiatre en néonatalogie au CHU de Nantes : « On sait aujourd'hui que ce qui est vraiment déterminant pour le pronostic, c'est le temps passé avec une sat O2 ≤ 80 %. Il y a un lien de causalité directe. Comme les valeurs fluctuent, cela arrive forcément plus souvent avec une cible basse ». En France, les dernières recommandations présentées lors des Journées de recherche en néonatalogie en décembre 2015 conseillent une sat O2 entre 91-95 %.
Prise isolément, aucune de ces deux études BOOST-II n'a montré de différence significative de mortalité entre les deux types de cibles. Leur combinaison en post-hoc, en totalisant plus de 2 000 grands prématurés, nés avant 28 semaines d'aménorrhée (SA), a suffisamment gagné en puissance pour apporter une réponse claire.
Ces nouveaux résultats vont dans le même sens que de l'étude BOOST-II en Nouvelle-Zélande, de SUPPORT et du Canadian Oxygen Trial (COT), et que leurs propres résultats sur la mortalité à court terme à 36 SA publiés en 2013 dans le « New England Journal of Medicine ». Toutes ces études font partie de la collaboration NeOProM (Neonatal Oxygen Prospective Meta-analysis).
Des données convergentes sur les trois continents
« La grande nouveauté de cette publication est d'apporter des données sur le devenir à l'âge de 2 ans. Les effets sur la mortalité avaient déjà été mis en avant. Pour la première fois, il ressort que le développement n'est pas optimal avec une sat O2 plutôt basse. Il existe des incapacités neurosensorielles plus ou moins importantes. Le petit bénéfice sur la rétinopathie, qui existe, ne fait définitivement pas le poids ».
Dans les deux études, la survenue d'un développement non optimal était recherchée sur l'existence de retards cognitifs d'après le score Bayley-III (score≤85), mais aussi de trouble du langage, de cécité totale ou partielle, ou d'infirmité cérébrale motrice ou de surdité.
Comme dans la précédente étude de 2013, l'analyse des données a été compliquée par la constatation d'un problème technique dans la retranscription des mesures par une marque largement utilisée d'oxymètres. L'étude poole des mesures prises avec des oxymètres originaux et les oxymètres révisés. « Il y a eu un changement de calibrage de l'algorithme pour certaines valeurs en cours d'étude », explique le néonatalogiste. Il se trouve que cette erreur de calibrage initial va dans le sens d'une sous-estimation des risques liés à l'hypoxémie, en intégrant dans la fourchette 85-89 % des valeurs en réalité au-dessus de 89 %.
Manque d'infirmières
Comme les auteurs le concluent : « La tendance constante d'une mortalité plus élevée parmi les enfants des groupes à cible basse dans les essais utilisant des oxymètres révisés sur les trois continents, (...), est en faveur de la généralisation des données actuelles ». Pour le Pr Rozé, le problème est maintenant ailleurs (cf encadré). « Pour l'instant, le réglage de l'oxygène se fait à la main. La sat O2 varie au fil du temps. Mais encore faut-il assez d'infirmières pour le faire. L'objectif d'une infirmière pour deux enfants en réanimation néonatale n'est pas atteint. Pourtant, le poids des incapacités pèse sur les années de survie. C'est l'enjeu de toute une vie ».
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