DOUBLE RÉUSSITE pour les chirurgiens de l’université de Leuven. Non seulement, l’équipe belge a réalisé la performance de réussir une allogreffe de trachée, un organe quasi-impossible à transplanter étant dépourvu de pédicule vasculaire, mais le procédé utilisé pour « acclimater le greffon » et le revasculariser a également permis de se passer de médicaments immunosuppresseurs au long cours. Le greffon trachéal a ainsi été placé dans un premier temps sur l’avant-bras du donneur sous couverture immunosuppressive afin d’être revascularisé et entièrement réépithélialisé. La chimère obtenue a ensuite été placée au niveau trachéal et le traitement antirejet a été arrêté. La patiente de 55 ans à la longue histoire de sténose trachéale, traitée par stents endoluminaux jusqu’alors, se porte bien un an plus tard et ne souffre plus d’infections respiratoires à répétition. Si les béances trachéales comprises entre 1 et 5 cm de longueur peuvent être réparées par des anastomoses bout-à-bout, il n’existait pas d’alternatives thérapeutiques au-delà de cette limite de 5 cm, puisque la greffe de trachée pose un épineux problème de revascularisation et de viabilité. Cette technique d’allogreffe de cartilage permettrait de restaurer une lumière trachéale chez les patients présentant des sténoses étendues ou des resténoses après résection sans les risques redoutés des immunosuppresseurs.
Un défi, la vascularisation.
Le défi de l’allogreffe de trachée est en effet de restaurer la vascularisation par capillarité. Plusieurs expériences avaient montré que la technique d’allogreffe hétérotopique pouvait donner de bons résultats. En 1979, l’équipe de Rose avait réalisé une allogreffe dans le muscle sternocléidomastoïdien et, plus tard, en 2004, l’équipe de Klepetko dans le péritoine. Mais la première n’avait pas documenté la viabilité du greffon une fois en place et la seconde n’a finalement pas utilisé le transplant obtenu.
Avant l’intervention en octobre 2006, la patiente portait deux stents trachéaux de 4 cm de long, afin de maintenir une lumière suffisante des voies aériennes supérieures. Son histoire était émaillée de nombreuses complications : infection chronique autour des stents nécessitant une antibiothérapie continue, épisodes de surinfections respiratoires, resténoses nécessitant une résection par laser. Elle était candidate idéale pour une allogreffe de trachée. Le greffon de 8 cm prélevé chez un homme a été placé dans son avant-bras, bien enveloppé dans les fascias et tissus sous-cutanés dans toute sa circonférence. Un traitement immunosuppresseur était administré durant toute la période d’hétérotransplantation. La viabilité du greffon était vérifiée toutes les deux semaines en enlevant le dispositif. Dans les premières semaines, la gaine membraneuse postérieure nécrosée était excisée et des cellules de la muqueuse buccale du receveur étaient déposées à cet endroit. À 4 mois, un tissu muqueux recouvrait toute la surface du transplant. Comme seul un segment trachéal nécessitait la greffe après l’ablation des deux stents, le greffon a été raccouci à 4,5 cm.
De l’avant-bras à la trachée.
La seconde étape de l’implantation au niveau trachéal a pu avoir lieu. Comme le donneur était de sexe masculin, les chercheurs ont pu déterminer que les cellules épithéliales respiratoires ne provenaient pas du donneur, puisque le chromosome Y n’était pas mis en évidence lors de l’analyse par hybridation in situ en fluorescence (FISH). Le traitement immunosuppresseur a été arrêté et il n’y a pas eu de rejet. Le cartilage trachéal du donneur était entièrement recouvert de vaisseaux sanguins et de cellules épithéliales issues du receveur. Un an plus tard, la patiente était en bonne forme et satisfaite du résultat. Les scanners à un an étaient superposables à ceux réalisés une semaine après l’intervention. Le chimérisme du greffon a permis sa transplantation au receveur sans entraîner de rejet du cartilage. Les auteurs émettent une hypothèse pour expliquer l’absence de rejet de ce « tuteur » cartilagineux. Étant bien enchâssés dans une matrice dense composée de collagène et de protéoglycanes, les chondrocytes du donneur seraient ainsi protégés de l’activité immunologique médiée par les anticorps.
N Engl J Med, 362, 138-145, 14 janvier 2010.
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