L'engouement pour les gouttières d'alignement achetées sur Internet est une tendance provenant des États-Unis et des campagnes publicitaires présentes sur les réseaux sociaux. Le recours à de tels produits sans suivi médical expose à des risques majeurs pour la santé, selon la Fédération française d’orthodontie (FFO) .
Plus de sept Français sur 10 considèrent l'orthodontie comme un soin, avant tout, esthétique. Ils méconnaissent ses bénéfices sur la santé et les fonctions vitales : mastication, déglutition, respiration et élocution. Seuls 30 % savent que les gouttières d’alignement ne sont pas adaptées à tout type de problème buccodentaire. Pire, près de la moitié des personnes traitées par gouttières en cabinet dentaire ont hésité à faire appel à une structure en ligne. C'est ce que révèle une enquête* menée par Ipsos sur le comportement des Français vis-à-vis de l’alignement dentaire.
« Pour aligner les dents, il faut exercer une force sur celles-ci. Nous disposons, pour cela, de plusieurs outils thérapeutiques telles que la pose de bagues à l'intérieur ou à l'extérieur de la dent ou encore, le port de gouttières induisant un mouvement des dents dans le sens souhaité », souligne le Dr Jean-Baptiste Kerbrat, responsable du département Orthopédie dento-maxillofaciale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et membre de la FFO.
Les techniques proposées doivent être personnalisées : l'orthodontiste est le professionnel de santé capable d'émettre un diagnostic et de proposer un plan de traitement au patient. Quant à la pose de gouttières d'alignements, elle nécessite une phase préparatoire effectuée par un chirurgien-dentiste ou un orthodontiste : empreintes dentaires, points de colle sur les dents, pose d’élastiques…
Un exercice illégal de la médecine
Or, de plus en plus, des structures en ligne - tenues par des financiers sans formation médicale - vendent des gouttières directement aux particuliers. « Il s'agit là de dérives graves, alerte le Dr Kerbrat. Déplacer une dent est un acte médical devant être effectué par des professionnels de santé formés et diplômés pour cela. Ces sociétés en ligne qui proposent des gouttières d’alignement - sans examen clinique et radiographique, ni plan de traitement et suivi médical - font de l'exercice illégal de la médecine. De même, pour les personnes qui s'autotraitent ».
Lors du recours à des structures en ligne, les patients doivent, en effet, réaliser seuls la phase préparatoire. « Parfois, les sociétés commerciales demandent à leurs clients de consulter un dentiste partenaire qui réalisera une prise d'empreinte préalable à la fabrication de la gouttière. Mais ce dernier n'effectue aucun suivi médical et ne prend aucune responsabilité dans le traitement, avertit le Dr Kerbrat. Pire, dans d'autres cas, les clients reçoivent un kit pour fabriquer eux-mêmes leur empreinte dentaire. Ces kits sont composés de poudre pour moulage à base d'alginate de calcium dont l’inhalation peut être fatale ».
Des conséquences pour la santé
Les jeunes (25-34 ans) représentent la cible privilégiée pour les campagnes publicitaires qui inondent les réseaux sociaux en promettant un sourire radieux pour une somme défiant toute concurrence. « En réalité, en se procurant des gouttières en ligne, ils payent un peu moins cher qu'un suivi chez un orthodontiste (2 000 à 3 000 euros le traitement complet contre 3 000 à 5 000 euros), rapporte le Dr Kerbrat. Mais les résultats peuvent être catastrophiques : problèmes d'occlusion, de position de la langue, de la mâchoire… Nous devons alors rattraper les dégâts occasionnés par le port de gouttières achetés sur Internet. Une chirurgie maxillo-faciale est parfois nécessaire ».
De fait, une correction inappropriée peut exposer à des conséquences parfois irréversibles. Outre le risque de gingivites, de caries, de déchaussement ou de chute des dents, cela peut retentir sur la santé générale et provoquer des troubles ORL, des céphalées, des problèmes de ventilation pouvant être associés à des troubles du sommeil, des apnées du sommeil qui augmentent le risque cardiovasculaire, des douleurs vertébrales ou encore des problèmes posturaux.
*Enquête online FFO/Ipsos, « Les Français et l’alignement dentaire : des comportements de plus en plus à risque ? » ; réalisée du 4 au 6 octobre 2023 auprès d’un échantillon de 1 000 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus.
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