› Tribune libre
« NUL N’EST CENSÉ ignorer la loi. »
Quatre jeunes sur dix ont eu des acouphènes mais ignorent la signification de ces signes d’alerte qui annoncent, pour plus tard et inéluctablement, une surdité irréversible. Face à ce qui peut être un jour un grave problème de santé publique, un confrère ORL à l’occasion de la journée de l’audition**, a formulé la suggestion suivante : « Pourquoi, à l’instar des paquets de cigarettes, ne pas écrire sur les baladeurs "Le bruit rend sourd" ? »
Il ignore, comme beaucoup, que le législateur a anticipé cette proposition voici …14 ans. En effet, la loi n°96-452 du 28 mai 1996 a inséré dans le code de la santé publique un chapitre V-II intitulé : « Lutte contre les nuisances sonores individuelles ». La loi précise que les baladeurs musicaux vendus sur le marché français ne peuvent excéder une puissance sonore maximale de sortie de 100 décibels et qu’ils doivent porter sur une étiquette lisible et non détachable la mention : « À pleine puissance, l’écoute prolongée du baladeur peut endommager l’oreille de l’utilisateur ». Bien que la formulation ne soit pas heureuse (et que la lutte contre le tabagisme ne se limite pas au message « Fumer tue » sur les paquets de cigarettes !), le souhait exprimé est donc depuis longtemps satisfait… en théorie, mais qu’en est-il en pratique ?
Précaution et prévention.
La démarche de précaution, qui a le vent en poupe, est relative à une possibilité de risque, la démarche de prévention est relative à un risque certain.
Or, que constate-t-on ? Une revendication de plus en plus forte s’exprime, relayée par les médias et désormais défendue par les tribunaux, demandant, en application du principe de précaution, une réglementation restrictive des antennes relais, dont le risque est hypothétique. Paradoxalement, la prévention des risques certains – et redoutables – de voir apparaître dans les prochaines années des générations de sourds atteints de surdité grave et irréversible ne mobilise ni l’opinion, ni les médias et très peu les pouvoirs publics.
À ce propos, la loi est formelle : « Les baladeurs musicaux non conformes ne peuvent être commercialisés en France » et des sanctions en cas d’infraction sont fixées par le Conseil d’État.
En matière de santé publique, les politiques mettent en uvre des dispositions qui privilégient la prévention par l’information et l’éducation, le dépistage n’ayant de sens que s’il permet d’agir sur les facteurs de risques et les comportements. Sur 200 000 nouveaux cas d’acouphènes observés chaque année, plus de moitié sont liés à un traumatisme acoustique qui comporte un risque grave pour l’avenir. Qui s’en préoccupe ? Une journée par an ne suffit pas : à quand des campagnes d’information et de sensibilisation, comme pour les risques de l’alcool et du tabac ? Faute d’une politique de prévention dont la loi de 1996 fournit les moyens, il faut s’attendre, dans les années à venir, à une explosion des dépenses d’assurance-maladie pour appareiller les sourds grâce à des prothèses auditives de plus en plus efficaces…et de plus en plus coûteuse !
Demain, il sera trop tard.
* Sénateur honoraire. Rapporteur au Sénat de la loi DMOS (Diverses Mesures d’Ordre Social) du 28 mai 1986 (Lutte contre les nuisances sonores individuelles).
** « Le Quotidien » du 9 mars, sur les dangers des baladeurs.
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