Cinq enfants sourds ont pu entendre grâce à une nouvelle thérapie génique. Ce résultat fait suite à une étude menée en Chine par une équipe de l’université Fudan, en collaboration avec le Mass Eye and Ear, un hôpital aux États-Unis spécialisé dans la recherche ORL. Dans cet essai clinique, six enfants âgés de 1 à 7 ans ont reçu une injection et cinq d’entre eux ont montré une nette amélioration de leur audition. Tous présentaient une mutation héréditaire du gène Otof, responsable d’une dysfonction de l’otoferline, une protéine nécessaire à la transmission des signaux acoustiques de l’oreille jusqu’aux nerfs auditifs dans le cerveau. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans The Lancet le 24 janvier 2024.
Parallèlement, quatre études « concurrentielles » pour traiter cette maladie spécifique, appelée la DNFB9, sont en lice. Cet engouement s’explique par le fait qu’il s’agit des tout premiers essais cliniques mondiaux visant à évaluer une thérapie génique dans le domaine de l’audition.
En janvier, c’était au tour d’un consortium français d’annoncer le lancement de son essai de phase 1/2, nommé Audiogene. Il regroupe des équipes de l’Institut de l’audition, l’Institut Pasteur, l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), la Fondation pour l’audition ainsi que de Sensorion, la société de biotechnologie qui élabore le candidat médicament de thérapie génique testé ici, le SENS-501. Son développement fait suite aux travaux de l’équipe de la Pr Christine Petit, de l’unité Génétique et physiologie de l’audition de l'Institut Pasteur, qui avait identifié le gène à l’origine de la surdité DFNB9 puis montré l’efficacité d’une thérapie génique chez les souris en 2019.
La Dr Natalie Loundon, responsable du projet, directrice du Centre de recherche en audiologie pédiatrique et oto-rhino-laryngologiste à l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), développe : « Tous les laboratoires ont travaillé de concert. Dès les résultats en 2019 sur le modèle animal, nous nous sommes tous mis au même moment au travail », ce qui explique ces quatre essais cliniques rapprochés à travers le monde. Elle précise : « Pour cette thérapie génique, nous avons chacun notre recette et nous gardons nos ingrédients secrets ».
Des patients jeunes pour ne pas rater la fenêtre thérapeutique
Il existe des centaines de gènes impliqués dans la surdité congénitale. Or, dans le cas de la surdité DFNB9, il n’y a pas d’atteinte anatomique de l’oreille interne. Seule la dysfonction de l’otoferline est en cause. « Tous les prérequis sont là pour espérer un traitement efficace », s’enthousiasme la Dr Natalie Loundon. D’autre part, aucun traitement curatif n’existe aujourd’hui. Pour restaurer l’audition, les personnes atteintes de surdité profonde peuvent uniquement faire le choix d’un implant cochléaire.
L’essai Audiogene prévoit d’inclure 12 patients et se décomposera en deux phases. Dans la première, deux dosages seront testés respectivement sur trois patients. Les six autres bénéficieront du dosage qui sera le plus efficace. « Les deux avaient montré de très bons résultats sur le modèle animal », précise la médecin. Des tests auditifs seront effectués à un, trois, six et douze mois. « Chez les souris, les résultats étaient très rapides, dit-elle tout en restant prudente. S’il n’y a aucun résultat au bout de six mois, une procédure pour demander un implant sera déclenchée. » Les patients seront tous de très jeunes enfants, âgés de 6 à 32 mois.
D’autres candidats dans les cartons
« Pour des patients plus âgés, le risque est qu’on ait raté la bonne fenêtre thérapeutique. Avec le temps, l’absence de stimulation crée un vide au niveau cérébral, or la nature n’aime pas le vide et les aires cérébrales adjacentes vont peu à peu occuper cet espace, ce qui explique le développement ou l’amélioration de certaines facultés telles que la vision chez les personnes sourdes », explique la Dr Natalie Loundon. Chez les enfants atteints de surdité à la naissance, la mise en place d’implant est conseillée avant l’âge de quatre ans pour ne pas laisser le temps à la surdité de s’installer. « Nous avons choisi des patients qui sont atteints de surdité profonde (ainsi ils ne risquent pas de perte d’audition) et qui ont fait une demande pour un implant (il y a une volonté des parents que l’enfant entende). » Avec ce profil de patients très jeunes, elle note qu’il y a un véritable espoir pour eux d’acquérir la parole et un langage considérés comme normaux.
La perte auditive liée à l'otoferline représente jusqu'à 8 % de tous les cas de perte auditive congénitale, touchant environ 20 000 personnes par an aux États-Unis et en Europe. Le mécanisme de l’oreille interne est particulièrement complexe et beaucoup d’autres dysfonctions entrent en jeu. « Ces premiers résultats sont impressionnants. C’est une mutation rare mais cet essai va ouvrir des champs pour des surdités plus fréquentes. Nous avons d’autres candidats dans les cartons pour des thérapies géniques. C’est la première marche de l’escalier », se réjouit la Dr Natalie Loundon.
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