« Nos résultats peuvent avoir des implications pour contrôler le paludisme, l’une des maladies les plus dévastatrices, avec des centaines de millions de personnes touchées chaque année. Ainsi, des activateurs ou des inhibiteurs de récepteurs sélectionnés pourraient servir à identifier des composés qui attirent les moustiques et les piègent, ou interfèrent avec leur trajectoire ou les repoussent. »
C’est en Afrique sub-saharienne que la prévalence du paludisme est la plus élevée au niveau mondial. Dans cette région, le principal moustique vecteur est Anopheles gambiae. Il se dirige à l’odorat, repérant les humains par des indices qui sont des molécules odorantes. L’équipe de Allison Varey et coll. (New Haven, Connecticut, États-Unis) s’est intéressée au fonctionnement moléculaire de ce ciblage.
Des neurones récepteurs olfactifs.
Les insectes détectent les odeurs au moyen de neurones récepteurs olfactifs. Les spécificités de ces neurones sont conférées par l’expression de récepteurs aux odeurs (RO) individuels.
Chez A. gambiae, une famille de 79 gènes de cette aptitude a déjà été identifiée par bioinformatique. Deux de ces récepteurs ont été caractérisés fonctionnellement à l’aide du même système d’expression qui avait été utilisé pour décoder les gènes du répertoire odorant d’un autre insecte, la bien connue Drosophila melanogaster.
Des résultats qui ont invité les chercheurs à réaliser une caractérisation fonctionnelle systématique du répertoire des RO d’A. gambiae et une comparaison entre les deux insectes. D.melanogaster est attirée par les fruits et reste un insecte généraliste, alors que A. gambiae a développé une réponse anthropophile, qui lui permet de rechercher un hôte pour son repas sanguin et de surcroît de transmettre le paludisme.
« Notre analyse du répertoire d’ A. gambiae peut nous donner des bases utiles pour combattre la transmission du paludisme. »
Un odorant humain spécifique.
Des récepteurs individuels répondant à des molécules odorantes humaines ont ainsi été identifiés. Certains de ces récepteurs se révèlent être dotés d’une sensibilité élevée pour un odorant humain spécifique. Ainsi, des odorants humains provoquent de fortes réponses d’un faible nombre de récepteurs.
« Les relations très étroites qui unissent certains odorants et des récepteurs des neurones olfactifs suggèrent qu’il existe des canaux de transmission spécifiques qui guident le comportement animal. Des molécules odorantes qui excitent quelques récepteurs chez le moustique sont susceptibles de produire des signaux qui bénéficient d’un traitement préférentiel et sont moins sujets à être inhibés. »
Une autre expérience montre que l’ablation d’une ou deux classes des neurones récepteurs olfactifs à répertoire étroit altère l’attraction comportementale de l’insecte vers les molécules odorantes correspondantes.
Cette analyse des récepteurs d’A. gambiae a permis de faire une comparaison avec le répertoire de récepteurs odorants de D. melanogaster. Elle appartient au même ordre mais suit des modalités comportementales différentes, les deux espèces couvrant différemment un espace d’odeurs chimiquement définies. « Nous observons que les molécules odorantes sont encodées dans les deux espèces d’une manière qui corrrespond à leurs besoins écologiques. »
Cette analyse par ailleurs fait soulever une question dans le champ de l’olfaction : comment l’écologie d’un organisme agit-elle pour formater la fonction de son répertoire d’odorants ? Certaines classes d’odorants sont distribuées dans un espace biologique défini, celui où l’insecte se déplace. La nécessité ayant guidé le hasard, le répertoire odorant se trouve en bonne adéquation. Ainsi, l’évolution de l’acuité olfactive et son pouvoir de discrimination peuvent correspondre à ses besoins écologiques. Pour les auteurs, « les modifications évolutives semblent être survenues dans l’ensemble du répertoire odorant et non par l’émergence d’un groupe particulier de récepteurs».
Nature, édition en ligne.
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