Début septembre, un larynx a été greffé pour la première fois en France, aux Hospices civils de Lyon. L’intervention, qui a été préparée pendant 10 ans, a impliqué 12 chirurgiens et pourrait permettre à la patiente de retrouver l’usage de la parole dans les mois à venir.
Karine, 49 ans, avait subi des complications après un arrêt cardiaque en 1996 et souffrait depuis d’une sténose du larynx due à son intubation en réanimation. Depuis 20 ans, elle ne pouvait plus parler et respirait uniquement grâce à une trachéotomie.
« Je l’ai rencontrée il y a 15 ans et, dès que je lui ai parlé de la greffe de larynx, elle s’est montrée intéressée », confie le Pr Philippe Ceruse, chef du service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale de l’hôpital de la Croix-Rousse.
L’intervention, n’avait encore jamais été tentée auparavant en France et seulement trois avaient déjà été recensées dans le monde. « C’est une intervention complexe que nous ne savions pas faire dans l’équipe. Nous nous sommes formés pendant 10 ans, en travaillant d’abord sur modèle animal, puis sur des cadavres, raconte-t-il. Chaque chirurgien avait sa " partition", son protocole opératoire. Nous avons décidé que nous étions prêts quand l’intervention est devenue fluide sur cadavres. »
L’équipe a reçu l’accord de l’Agence de la biomédecine en 2019 et a attendu encore quatre ans avant de se lancer. « Il a fallu compter 10 heures de prélèvement et 17 heures de transplantation. C’est très délicat car il faut prélever le larynx, la thyroïde, les vaisseaux, les nerfs. Les vaisseaux font de 3 à 5 millimètres, c’est très minutieux. Nous avons dû réaliser huit anastomoses vasculaires et six anastomoses nerveuses », précise-t-il.
La patiente commence à reparler
Deux coordinateurs ont supervisé l’intervention, le Pr Lionel Badet, chef du service d’urologie et de chirurgie de la transplantation à l’hôpital Édouard-Herriot et le Pr Ceruse. « Ma mission était principalement de gérer les plateaux-repas et le repos des équipes, car tout roulait », plaisante ce dernier.
L’intervention a commencé le samedi 2 septembre vers 9 heures avec le prélèvement sur la donneuse et s’est terminée le lendemain vers 8 heures à l’hôpital de la Croix-Rousse avec la transplantation sur la patiente receveuse. Cette dernière a ensuite passé deux mois à l’hôpital et est rentrée chez elle depuis trois semaines. « Tout s’est parfaitement bien déroulé. Elle va bien et peut commencer à reparler, même si elle trouve que sa voix n’est pas encore d’assez bonne qualité. Mais cela fait 20 ans qu’elle ne parlait pas, elle doit retrouver une coordination et pour cela elle fait un gros travail de rééducation vocale », détaille le Pr Ceruse.
La revascularisation est un succès et il faut maintenant retrouver une innervation du nouveau larynx. « Pour le moment la patiente ne peut pas encore manger car les aliments passent de travers. Elle est encore nourrie par une sonde. Nous estimons qu’au bout de six mois elle devrait retrouver une sensibilité, et pour la motricité il faudra attendre 12 à 18 mois. D’ici moins de six mois, elle devrait pouvoir remanger au moins aussi bien qu’avant ».
L’équipe a reçu un budget de 450 000 euros, pour trois transplantations, mais attend de voir comment la patiente récupère avant de prévoir les autres interventions. « Les indications seront des larynx traumatiques. Il n’y a pas d’indication pour les cancers, sauf cas rare de patients déjà sous immunosuppresseurs », indique le Pr Ceruse.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?