Une immunothérapie orale très tôt à la cacahuète chez les enfants allergiques est associée à une nette augmentation du taux de désensibilisation et de rémission, selon une étude publiée dans « The Lancet » par un consortium de cinq facultés américaines avec le soutien des Instituts nationaux de la santé américains.
« Il a été suggéré qu'intervenir dans la petite enfance quand le système immunitaire est encore en développement pourrait se révéler plus efficace que plus tard dans la vie », explique la Dr Stacie Jones de l'hôpital pédiatrique de l'Arkansas, première auteure de l'étude. Un seul essai de grande ampleur avait été mené jusque-là chez des petits d'âge préscolaire, l'essai Devil de 2017. Et les récents résultats à plus long terme de l'étude baptisée Impact confirment l'intérêt de l'approche précoce.
L'allergie à la cacahuète (ou arachide) concerne 2 % des enfants dans les pays occidentaux. Pour ces enfants, la prise en charge repose sur l'éviction et les auto-injections d'adrénaline contre le choc allergique. « À part cela, il n'existe aucun traitement et éviter une exposition accidentelle est donc particulièrement lourd pour les enfants et les parents », souligne le Dr Wesley Burks de l'université de Caroline du Nord et auteur senior.
En prévention de la survenue d'allergie, l'introduction précoce de cacahuètes a montré son efficacité, notamment dans une étude israélienne. Les recommandations françaises ont d'ailleurs intégré cette notion dans la diversification alimentaire en préconisant d'introduire tous les aliments, y compris ceux réputés les plus allergènes (œuf, arachide, poudre d'amande ou de noisettes, gluten, etc.) dès l'âge de quatre à six mois.
Un challenge avec l'équivalent de 16 cacahuètes
Ici, dans ce travail, la désensibilisation, définie comme la consommation bien tolérée de 5 000 mg de farine d'arachide (soit l'équivalent de 16 cacahuètes) sous la surveillance de chercheurs, était mesurée après deux ans et demi d'administration progressive quotidienne par voie orale de la cacahuète sous la même forme pour le groupe intervention (le groupe placebo recevait dans le protocole de la farine d'avoine). Une rémission était définie par la capacité à répéter ce challenge alimentaire six mois après la fin de l'immunothérapie.
Dans cet essai randomisé mené chez 146 enfants âgés de un à quatre ans (96 dans le groupe exposé et 50 dans celui placebo), l'immunothérapie a permis une désensibilisation chez 71 % (68/96) du groupe exposé par rapport à 2 % dans le groupe placebo. Une rémission a été observée chez un enfant sur cinq du groupe immunothérapie (21 %, 20/96), quand cela n'a été le cas que pour 2 % (1/50) des contrôles. De plus, bien qu'ils n'aient pas toléré la dose de 16 cacahuètes fixée pour la rémission, vingt enfants supplémentaires ont pu supporter l'équivalent de 6 à 12 cacahuètes six mois après le traitement.
De meilleurs résultats chez les tout-petits d’un an
« Les enfants qui ont connu une rémission faisaient le plus souvent partie du groupe le plus jeune, avec les meilleurs résultats pour ceux âgés d'un an, a commenté la Dr Jones. Cela suggère qu'intervenir très tôt pourrait offrir plus de chances de rémission. Toutefois, il n'y avait qu'un faible nombre d'enfants de cet âge dans notre étude et ce point nécessite donc d'autres recherches. » De plus, ces résultats, obtenus sous supervision médicale, pourraient ne pas être totalement reproductibles en vie réelle.
En plus de réactions bénignes fréquentes (éruptions cutanées, problèmes intestinaux, gêne respiratoire…), des injections d'adrénaline ont dû être administrées pour 21 enfants. « C'est une proportion plus élevée que celle observée pour les études d'immunothérapie orale chez les plus âgés », commente sur le site « Science Media Center » le Dr Andrew Clark, allergologue pédiatrique de l'université de Cambridge au Royaume-Uni, ajoutant que cela pourrait être dû à la longue durée de l'étude, mais méritait discussion.
Pour le Matthew Greenhawt de l'hôpital pédiatrique du Colorado, l'étude Impact suggère que l'immunothérapie orale à la cacahuète peut entraîner une désensibilisation chez les très jeunes enfants avec une bonne tolérance, « même si, quel que soit l'âge, elle n'est pas sans risque de réaction allergique ». Pour ce pédiatre américain, ce type d'approche pourrait s'envisager par les allergologues spécialisés « dans le cadre d'une décision partagée ».
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