La thrombose veineuse profonde (TVP) reste relativement rare chez les enfants, mais son incidence est sans doute sous-estimée. Dans la population pédiatrique en général, elle serait de moins de 1/100 000. Elle est multipliée par 100 ou 1 000 chez les enfants hospitalisés, avec un pic chez les nouveau-nés et à l’adolescence. « La TVP est très souvent d’origine iatrogénique, dans 90 % des cas sur cathéter central. Les autres cas surviennent chez des enfants à haut risque qui ont des malformations cardiaques : la thrombose veineuse profonde est la première complication des cardiopathies congénitales », souligne le Pr Pascal Amedro (cardiopédiatre au CHU de Bordeaux et chercheur à l’IHU Lirye).
Sous-estimation de la TVP
« Le dépistage des TVP ne se fait pas en routine en pédiatrie. Chez les enfants hospitalisés (cancer, réanimation…) beaucoup de thromboses sont asymptomatiques. Le vrai problème est le faible nombre de médecins vasculaires dédiés aux services pédiatriques. La médecine vasculaire est devenue depuis peu une spécialité à part entière au cours de l’internat et je prône pour qu’il y ait davantage d’experts en pédiatrie, explique le Pr Amedro. Les recommandations actuelles sur les anticoagulants chez les enfants calquent celles chez les adultes. L’arrivée des nouveaux AOD va nous forcer à améliorer nos pratiques. »
Rivaroxaban en suspension buvable et comprimés
Trois présentations de rivaroxaban (Xarelto), 1 mg/mL en granulés pour suspension buvable et 15 mg et 20 mg en comprimés, ont obtenu une AMM pédiatrique et leur remboursement.
L’étude de phase 3 randomisée en ouvert Einstein Junior (1) a comparé l’efficacité et l’innocuité de cette molécule avec celle des anticoagulants standards pour le traitement de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV). 500 enfants de la naissance à 17 ans ont été inclus : 25 % avec TVP sur cathéter, 23 % avec thrombose cérébrale et 16 % avec embolie pulmonaire. Ils avaient déjà reçu au moins cinq jours de traitement par héparine.
Le critère de jugement principal était composite. Un paramètre a été significativement positif : la diminution du thrombus en imagerie (p = 0,012) sous rivaroxaban, par rapport aux anticoagulants standards. Les deux autres paramètres sont nettement améliorés de façon similaire dans les deux bras, la différence est non significative : récidive de TVP (1 % rivaroxaban vs. 3 % anticoagulants standards) et saignements (3 % rivaroxaban mais aucun majeur vs. 2 % dont un majeur avec les anticoagulants standards).
« L’amélioration de la qualité de vie est insuffisamment mise en avant dans les essais médicamenteux chez l’enfant, mais on s’est aperçu dans ces études que les enfants mis sous AOD ne voulaient plus être sous AVK ensuite. Pourtant, avec le système d’autosurveillance Coaguchek, le dosage de l’INR est aujourd’hui beaucoup plus facile, tempère le Pr Amedro. Nous avons montré qu’avec un programme d’éducation thérapeutique aux anticoagulants, on constate une amélioration de la qualité de vie de l’enfant, en lien avec l’équilibre de l’INR [2, 3]. Il est fort probable que l’effet des AOD sur la qualité de vie soit encore plus net, en raison d’une diminution de la lourdeur du traitement. »
Le dabigatran (Pradaxa) a également obtenu une AMM en pédiatrie (étude pivot Diversity) pour une solution buvable et des comprimés, mais le laboratoire n’a pas demandé le remboursement en France.
« De nombreux autres essais cliniques sont en cours. L’edoxaban et l’apixaban sont en développement dans la TVP mais aussi dans d’autres indications. Les AOD ont, en effet, un intérêt chez les autres patients concernés par la maladie thromboembolique, telles que les cardiopathies congénitales, les anévrysmes coronaires de la maladie de Kawasaki, les cancers pédiatriques, souligne le Pr Amedro. C’est déjà un grand pas en avant d’avoir une AMM pédiatrique pour la TVP ».
Qualité de vie nettement améliorée
Chez les enfants, les avantages des AOD sont similaires à ceux des adultes : administration orale, meilleur profil pharmacocinétique, pas de dépendance à l’antithrombine, moins d’interactions médicamenteuses, peu de déséquilibres liés à l’alimentation, fenêtre thérapeutique plus large et pas de surveillance biologique.
Cependant, la Haute autorité de santé (HAS) a insisté sur la nécessité d’un suivi clinique rapproché des enfants atteints de MTEV : adaptation des doses et de la fréquence d’administration selon le poids. La prescription initiale hospitalière n’est pas obligatoire, mais elle est vivement recommandée.
L’adhésion thérapeutique est essentielle et, comme avec les AVK, un programme d’éducation thérapeutique spécifique doit être mis en place.
Exergue : « La prescription initiale hospitalière n’est pas obligatoire, mais elle est vivement recommandée »
Entretien avec le Pr Pascal Amedro (Bordeaux) (1) Male et al. Rivaroxaban compared with standard anticoagulants for the treatment of acute venous thromboembolism in children : a randomised, controlled, phase 3 trial. Lancet Haematol. 2020 Jan;7(1):e18-e27. doi: 10.1016/S2352-3026(19)30219-4 (2) Amedro P et al. Quality of life in children participating in a non-selective INR self-monitoring VKA- education programme. Arch Cardiovasc Dis. 2018 Mar;111(3):180-188. doi: 10.1016/j.acvd.2017.05.013 (3) Abassi H. et al. Health-related quality of life correlates with time in therapeutic range in children on anticoagulants with International Normalised Ratio self-monitoring. Arch Cardiovasc Dis. 2020 Dec;113(12):811-820. doi: 10.1016/j.acvd.2020.05.022. Epub 2020 Oct 14
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?