Combien de temps un enfant doit-il dormir ? Voilà une question que la Dr Marie-Josèphe Challamel a entendue bien plus d’une fois de la part des parents durant les 30 années durant lesquelles elle a dirigé l’unité du sommeil de l’enfant à l’hôpital Lyon-sud. « Ce qu’on sait de manière claire, c’est qu’il y a une relation entre la diminution du temps de sommeil et le risque d’un mauvais développement au niveau cognitif », indique-t-elle.
Une majorité de sommeil agité chez le nouveau-né
Chez le fœtus et le nouveau-né, on observe une très grande quantité de sommeil agité. « Ce sommeil agité, qui est l’équivalent du sommeil paradoxal, représente 50 à 60 % du temps de sommeil à la naissance et peut atteindre 8 à 10 heures par jour. La proportion de ce sommeil va ensuite très vite diminuer. À l’âge de six mois, il ne représente plus que 27 % du temps de sommeil », précise la Dr Challamel, en ajoutant que ce sommeil agité permet le développement de tous les réseaux neuronaux et de leur maturation. « Une équipe de Cambridge, en combinant imagerie cérébrale fonctionnelle et électroencéphalogramme, a démontré chez vingt nouveau-nés une connectivité neuronale beaucoup plus étendue en sommeil agité qu’en sommeil calme. Pour ces chercheurs, il s’agit d’un argument de plus en faveur de l’importance de ce sommeil pour le développement des réseaux de neurones et leur maturation chez le nouveau-né », indique la Dr Challamel.
Impulsivité, hyperactivité
Les pédiatres le savent : il est difficile de fixer une durée de sommeil standard chez tous les très jeunes enfants. « Une durée de sommeil de moins de 10 heures par 24 heures chez un enfant de moins de 6 ans a de nombreuses conséquences cognitives comportementales et émotionnelles. Une étude canadienne a montré, chez 1 492 enfants âgés de 2 ans et demi à 6 ans, qu’une durée de sommeil de moins de 10 heures par 24 heures multiplie par trois le risque de difficultés scolaires à 6 ans. Selon cette étude, il existe dans cette population d’enfants une relation significative entre la courte durée du sommeil et des scores élevés d’impulsivité et d’hyperactivité. Par ailleurs, on peut dire qu’entre 3 et 5 ans un temps de sommeil de moins de 10 heures augmente significativement, en particulier chez les garçons, les violences verbales et les risques de blessures », indique la Dr Challamel.
Acquisition des apprentissages
Quels sont les effets d’une privation de sommeil ? Une étude américaine a été menée chez des jeunes adolescents de 10 à 14 ans qu’on a fait dormir de minuit à 5 heures du matin. « Cela a suffi pour perturber l’apprentissage des tâches les plus complexes, celles de créativité et les plus éloignées des tâches habituelles. Chez les enfants d’âge scolaire, une diminution très modeste (de moins d’une heure) du temps de sommeil nocturne pendant quelques jours, détériore de façon significative leurs capacités cognitives et leur comportement émotionnel », indique la Dr Challamel, en ajoutant que le sommeil a une double fonction : il prépare l’enfant à être efficient pour l’apprentissage de nouvelles données et il est indispensable pour que cet apprentissage puisse être remémoré.
« Le manque de sommeil et/ou la mauvaise qualité du sommeil affectent l’acquisition de nouveaux apprentissages. Ils perturbent les fonctions du cortex préfrontal dont le rôle est de maintenir la vigilance, de mettre en actions certaines aires corticales nécessaires à l’accomplissement des tâches en cours : maintien de l’attention sur une tâche spécifique, capacité à changer de stratégie, motivation… », indique la Dr Challamel.
Exergue : « Une diminution d’une heure du temps de sommeil nocturne pendant quelques jours détériore les capacités cognitives et émotionnelles »
Entretien avec la Dr Marie-Josèphe Challamel, ancienne responsable de l’unité du sommeil de l’enfant à l’hôpital Lyon-sud
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