La prise en charge chirurgicale des malformations cardiaques congénitales est un véritable défi. C’est notamment le cas pour la tétralogie de Fallot, qui concerne une naissance sur 4 000 et se caractérise par une sténose pulmonaire. La stratégie thérapeutique actuelle repose sur une technique de réparation à cœur ouvert. Elle comprend la résection de la sténose infundibulaire, la fermeture par patch de la communication interventriculaire et la reconstruction de la voie droite qui nécessite souvent son élargissement par un patch transannulaire pulmonaire. L'intervention laisse alors un orifice pulmonaire qui n'est que partiellement gardé. Il en résulte une régurgitation valvulaire pulmonaire, bien tolérée au départ, mais qui peut, à long terme, compromettre la fonction ventriculaire droite.
Une autre approche consiste en la pose d’une nouvelle valve pulmonaire, synthétique (téflon) ou biologique (à partir de tissu animal traité chimiquement). Mais cela fait peser un risque de réaction inflammatoire chronique, de thrombose ou de calcification, ou encore, un risque d’infection bactérienne. En outre, ces valves artificielles n’accompagnent pas la croissance ni le changement de morphologie cardiaque des jeunes patients.
Le collagène à la rescousse
Les chercheurs du laboratoire de bioingénieurie tissulaire BioTis (Inserm et Université de Bordeaux) ont peut-être trouvé la parade avec une valve pulmonaire produite à partir de collagène humain. Dans un article publié dans Science Translational Medecine, ils décrivent les premiers tests de cette valve de nouvelle génération sur un modèle de cœur organo-synthétique développé au Massachuchetts Institute of Technology, puis leurs essais menés sur un modèle ovin.
Ces deux modèles ont permis d'évaluer la faisabilité chirurgicale, la manipulation, la suturabilité et les capacités hémodynamiques et mécaniques de la valve. Cette dernière présentait une bonne performance avec une régurgitation de 4,6 (± 0,9 %) mm de mercure, et un gradient de pression transvalvulaire de 4,3 (± 1,4) mm de mercure après 7 jours d'implantation chez le mouton.
Ils ont ainsi obtenu une preuve de concept. « L’implantation de notre valve a permis de rétablir le sens de circulation à travers la voie pulmonaire, sans générer de fuite valvulaire, précise Fabien Kawecki, de l’université de Bordeaux, qui a dirigé l’étude. Après seulement 7 jours d’implantation, il y avait une bonne intégration de la valve avec le tissu natif de l’animal. De plus, nous avons vu sur notre valve la présence de cellules musculaires lisses qui joueront un rôle important dans son remodelage et sa croissance. »
Contacté par le Quotidien, le chercheur précise : « En l'absence de résultats d'implantation à long terme, aujourd'hui nous émettons l'hypothèse que ce remodelage chez l'enfant se traduira par une croissance de notre biomatériau, écrit-il. Cela signifie que les cellules de l'hôte qui auront colonisé le biomatériau vont progressivement synthétiser un nouveau tissu par-dessus et permettre d'adapter la taille de la valve à l'évolution de l'anatomie de l'enfant. Ainsi, il n'y aura plus besoin de réopérer l'enfant et il pourra vivre toute sa vie avec cette nouvelle valve. »
Pas de réaction immunitaire
La fabrication de la valve se base sur la culture de cellules de peau humaine en laboratoire afin d’obtenir des dépôts de matrice extracellulaire riche en collagène, organisés ensuite en feuillets. Le collagène, protéine structurale très abondante dans le corps humain, ne provoque pas de réaction immunitaire.
Les chercheurs ont, à partir des données collectées, mis au point un modèle numérique destiné à tester la fonctionnalité et l’utilité clinique de différents biomatériaux avant de réaliser des implantations chez des animaux. La prochaine étape est d’implanter la valve sur des modèles animaux, sur des temps plus long (16 semaines, puis un an). L’équipe a d’ores et déjà déposé un brevet pour l’utilisation du biomatériau conçu dans le laboratoire en tant que valve pulmonaire et espère à l’avenir tester son utilité dans différentes maladies cardiovasculaires chez l’adulte et chez l’enfant.
« Actuellement, nous l'implantons par chirurgie à cœur ouvert pour cette application de reconstruction chirurgicale de la tétralogie de Fallot, ajoute Fabien Kawecki. Nous travaillons aussi sur le positionnement de nos feuillets de collagène dans un stent fait d'un matériau biodégradable pour créer une valve biologique pouvant être implantée par cathétérisme. Mais ceci est un autre projet, bien distinct. »
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