« DES MILLIONS d’enfants et leurs familles ont été floués par la riposte mondiale à l’épidémie de sida », affirment les experts de la JLICA, alliance indépendante de chercheurs, de praticiens, de décideurs, d’activistes et de personnes vivant avec le VIH, à l’issue de deux années de travaux. Dans leur rapport au titre provocateur, « Des vérités qui dérangent : Enfants, sida et pauvreté » , ils appellent les gouvernements et leurs partenaires à une nouvelle orientation des stratégies . « Des activités bien intentionnées mais mal ciblées ont épuisé les ressources qui auraient pu être investies plus efficacement. Les interventions n’ont pas suffisamment tenu compte de la situation des enfants ou n’ont pas été fondées sur une compréhension claire des causes à l’origine de leur vulnérabilité », soulignent-ils. Le diagnostic est partagé l’ONUSIDA et l’UNICEF, partenaires de l’alliance.
L’une des raisons qui explique l’impact limité des programmes tient à un certain nombre d’idées reçues dans les pays les plus lourdement touchés. « La JLICA a constaté que les données relatives aux enfants et au VIH/sida sont médiocres et que celles qui sont disponibles ne sont pas toujours utilisées », a déploré Agnès Binagwabo, secrétaire permanente au ministère de la Santé du Rwanda et coprésidente de l’Initiative.
Orphelins mais pas seuls.
La priorité presque exclusive accordée aux enfants dont l’un des parents ou les deux sont décédés du sida est un exemple de ces idées erronées. Elle « a créé et alimenté un mythe puissant, à savoir que la majorité de ces enfants sont dépourvus de famille et de réseaux sociaux et doivent être placés dans des structures non familiales ou des orphelinats », expliquent les experts. Or, près de 88 % des enfants qualifiés d’orphelins ont en fait un parent survivant ; et environ 95 % des enfants directement concernés par le VIH continuent de vivre avec leur famille élargie. De plus, « les enfants de parents séropositifs sont vulnérables bien avant le décès de leurs parents ». La JLICA invite d’ailleurs instamment les Nations Unies à réviser la notion d’ « orphelins du sida », source de confusion.
À revoir aussi, la tendance généralisée à réserver le soutien aux enfants et aux familles touchées par le sida. Or constate le rapport, « dans les communautés pauvres durement touchées, tous les enfants sont confrontés à la souffrance et aux privations ». En Afrique subsaharienne, plus de 60 % des enfants vivent dans le dénuement. « En plaçant l’accent sur ceux qui sont directement touchés par le VIH, on risque non seulement de négliger des besoins à plus grande échelle mais également d’occasionner des effets indésirables, telles que la stigmatisation et l’exploitation de ceux qui ont besoin d’aide ».
Par ailleurs, les programmes de prévention qui reposent sur les changements de comportements, tels que la stratégie ABC (Abstain, Be faithful or use Condom), mise en avant dans les programmes américains notamment, ne tiennent pas compte de la vulnérabilité particulière des jeunes filles et des femmes du fait de l’inégalité entre les sexes et de leur manque d’autonomie.
Le rapport énonce une série de recommandations, qui visent en particulier à soutenir les enfants au sein de leur famille et par le biais de celle-ci, en renforçant leurs ressources. Même en situation de pauvreté, elles continuent à prendre en charge jusqu’à 90 % du coût des soins. De même, il préconise de mieux soutenir la riposte communautaire. Essentielle en Afrique subsaharienne, la contribution des bénévoles confessionnels manque des capacités et connaissances qui leur permettraient d’être efficaces.
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