LE QUOTIDIEN : Quels sont les patients à cibler en priorité ?
Dr MARINE GOSSET-WOIMANT : Les vaccins ne sont utiles que s’ils sont prescrits ; tous les patients suivis pour une pathologie respiratoire chronique, qu’ils soient atteints d’un cancer, d’une BPCO, d’une pneumopathie infiltrative diffuse, d’une maladie asthmatique ou qui reçoivent un traitement immunosuppresseur, ont une indication à être vaccinés contre la grippe, le pneumocoque, le Sars-CoV-2. La HAS doit se prononcer l’hiver prochain en faveur d’une vaccination anti-VRS chez eux.
En ce qui concerne les patients âgés de plus de 65 ans, c’est le vaccin à haute dose contre la grippe qui doit être retenu. Contre le pneumocoque, l’arrivée dès cet hiver d’un vaccin avec une seule injection devrait permettre une simplification de cette vaccination. Pour la vaccination anti-Sars-CoV-2, un vaccin recombinant non à ARNm est disponible depuis novembre 2023.
Enfin, les femmes enceintes doivent se faire proposer les vaccinations contre la grippe, contre le Covid et contre la coqueluche, puis contre le VRS sous réserve de l’approbation de la HAS, l’hiver prochain.
Il y a encore trop d’opportunités manquées pour vacciner ! Par exemple, un traitement antibiotique en cours - lorsque l’infection est contrôlée - n’est pas une contre-indication au vaccin, pas plus qu’une période de convalescence ou une exposition récente à une maladie infectieuse (exception faite pour la tuberculose). Il en va de même en cas d’antécédents d’allergie non vaccinale, de maladie neurologique stable, etc.
Où en est-on de la vaccination contre la grippe en France ?
Quatrième cause de mortalité par infection respiratoire, touchant un à cinq millions de personnes chaque année, la grippe génère près de deux millions de consultations dont plus de 60 000 passages aux urgences avec une mortalité proche de 20 % à l’hôpital, et un coût saisonnier proche de 45 millions d’euros.
La grippe saisonnière, c’est aussi un risque d’accident vasculaire cérébral et de pneumonie multiplié par huit, d’infarctus du myocarde multiplié par dix, sans compter un risque accru de déséquilibre du diabète ou de perte d’autonomie pour les sujets âgés. Il faudrait idéalement que 75 % de la population soit vaccinée pour protéger l’ensemble de la population, or on en est loin. Les vaccins actuellement disponibles sont des vaccins quadrivalents inactivés et, depuis 2021, il est recommandé pour les 65 ans et plus ainsi qu’aux patients immunodéprimés, l’Efluelda à haute dose (60 µg d’hémagglutinine (HA)/souche). Il est aussi recommandé de vacciner l’entourage des patients à risque de grippe grave, dans une stratégie de cocooning.
La vaccination contre le pneumocoque est-elle à la hauteur des enjeux ?
L’incidence de la pneumopathie à pneumocoques chez le moins de 65 ans est de 22/100 000 contre 50/100 000 chez le plus de 65 ans, avec des complications bactériémiques et/ou des méningites de l’ordre de 5/100 000 avant 65 ans et 20/100 000 après 65 ans. Le coût direct des infections à pneumocoques est de 6,4 milliards d’euros par an en France, 5 milliards liés aux hospitalisations et 3,6 milliards liés aux arrêts de travail.
Pourtant, la couverture vaccinale contre le pneumocoque est catastrophique en France : seulement de l’ordre de 15 % chez les personnes à risque. Il est recommandé une vaccination de façon plus systématique chez les patients à risque atteints d’une pathologie chronique (respiratoire, cardiaque, rénale, hépatique ou un diabète) et chez les patients à très haut risque (immunodéprimés, porteurs d’une brèche ostéoméningée ou d’un implant cochléaire). Contrairement aux États-Unis, ce n’est pas recommandé de façon systématique en France chez les plus de 65 ans sans comorbidité.
Il est possible de vacciner contre le pneumocoque depuis plusieurs années par VPC13 puis VPP23 huit semaines plus tard, avec un rappel par VPP23 à cinq ans. En janvier ou février 2024, un nouveau vaccin (Apexxnar, VPC20) en monoprise arrivera : avec ce nouveau vaccin, il sera possible de faire le rappel du VPC13 ou du VPP23 après un an.
Où en est-on de la vaccination contre le Sars-CoV-2 ?
Là encore, le poids de l’âge est important en cas d’infection par le Covid : la mortalité est multipliée par dix après 60 ans, par vingt après 70 ans et par cent quarante après 90 ans. Elle est aussi multipliée par trente chez la personne avec une trisomie 21, par deux chez la personne obèse. Enfin, les personnes avec une insuffisance respiratoire ou un asthme ou une BPCO ont de quatre à dix fois plus de risque de décès en cas de Covid.
La population cible du vaccin concerne donc les patients avec une comorbidité, immunodéprimés, les femmes enceintes, les personnes vivant avec un patient vulnérable, les professionnels de santé.
Malgré les inquiétudes que peuvent susciter les vaccins, l’Agence nationale du médicament indique une bonne tolérance : sur 150 millions de personnes vaccinées, tous vaccins confondus, il a été noté 0,11 % d’effets indésirables, dont 0,03 % d’effets graves. Plusieurs vaccins ont reçu récemment l’AMM : le Comirnaty XBB 1.5, qui a été adapté au nouveau variant (Pfizer) et qui est recommandé en première intention, ainsi que le Nuvaxovid, vaccin à protéines recombinantes (de chez Novavax) également adapté au variant actuel, qui est recommandé en deuxième intention chez les patients ayant une contre-indication au Comirnaty ou étant réticents au vaccin à ARN messager.
Avec ces vaccins adaptés au nouveau variant, la DGS préconise (actualisation du 31 octobre 2023) de se faire vacciner six mois après la dernière dose ou la dernière infection à Sars-CoV-2, trois mois chez les immunodéprimés ou plus de 80 ans ou vivant en milieu institutionnel.
Quelles sont les actualités concernant le VRS ?
Le nirsevimab, un anticorps monoclonal indiqué chez le tout-petit né à terme ou de façon prématurée et qui n’a pas encore croisé le virus VRS de la bronchiolite, entraîne une immunoprophylaxie d’environ six mois. Il ne fait pas encore l’objet de recommandation chez l’adulte.
Un autre anticorps monoclonal est à l’étude : le clesrovimab, qui pourrait arriver début 2025. Deux nouveaux vaccins ont récemment reçu l’AMM : Arexvy (GSK) est recommandé chez les plus de 60 ans avec des facteurs de risque d’infection grave et Abrysvo (Pfizer), l’est chez la femme enceinte (pour protéger l’enfant durant ses six premiers mois de vie), ainsi que chez les plus de 60 ans avec des facteurs de risque d’infection grave. Ces deux vaccins sont disponibles mais pas encore remboursés (la HAS se prononcera à l’automne 2024). Leur coût, de 200 à 300 €, reste donc assez prohibitif pour l’instant.
Y a-t-il des nouveautés concernant la vaccination contre la coqueluche ?
Depuis l’an dernier, le vaccin est recommandé à chaque grossesse — à partir du deuxième trimestre, de préférence entre 20 et 36 semaines d’aménorrhée afin que la mère développe des anticorps, dont va bénéficier le futur nouveau-né : de quoi être protégé durant ses trois premiers mois de vie, avant d’être vacciné. Il est aussi recommandé chez les professionnels de santé à 25, 45 et 65 ans.
Quid de la tuberculose ?
Le vaccin contre la tuberculose n’est plus obligatoire mais il reste recommandé pour les enfants nés en zone fortement endémique ou qui voyagent au moins une fois par an, plus de quatre semaines consécutives, dans une zone fortement endémique, ou pour les tout-petits qui sont en contact avec une personne effectuant ce type de voyage. Il est contre-indiqué en cas de contage récent par un tiers infecté.
Certaines populations méritent-elles de prendre des précautions avant de vacciner ?
Oui, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de les vacciner ! Par exemple les réactions allergiques graves — en l’occurrence un choc anaphylactique dans les six heures qui suivent un vaccin — sont rares. En cas d’allergie supposée à un vaccin, le patient doit être adressé au préalable à un allergologue.
Concernant les personnes sous anticoagulants ou présentant des troubles de l’hémostase, il est possible de les vacciner en sous-cutané ou en intramusculaire lente (qui confère une meilleure protection vaccinale que la sous-cutanée), avec un temps de compression d’au moins cinq minutes ensuite. Il est possible de faire plusieurs vaccins le même jour en respectant un écart de 2,5 cm entre les deux points d’injection, sauf s’il s’agit de deux vaccins vivants ou d’un vaccin polysaccharidique associé à un vaccin conjugué.
Seuls les vaccins vivants (fièvre jaune, ROR, zona…) ne peuvent pas être administrés aux personnes immunodéprimées.
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