Chez le nourrisson, l’allergie alimentaire concerne principalement les protéines du lait de vache (APLV). Sa fréquence s’établit entre 5 et 15%, réactions IgE et non IgE confondues. Pour une alimentation adaptée, on utilise chez les tous petits des formules infantiles à base d’hydrolysats où les protéines sont transformées de façon à casser les épitopes. Celles contenant des protéines partiellement hydrolysées peuvent encore provoquer des réactions allergiques en raison de la présence de peptides intacts réactogènes. C’est beaucoup moins le cas des formules extensivement hydrolysées, qui leur sont bien adaptées. Néanmoins si les enfants ne les supportent pas on leur donne des formules à base d’acides aminés, efficaces chez 90% des enfants allergiques. Mais l’APLV peut persister longtemps surtout en cas de médiation par les IgE et la guérison être incomplète. Si les allergies non IgE, qui sont essentiellement celles rencontrées chez les très jeunes enfants, disparaissent spontanément assez facilement en 1 à 3 ans, les données récentes sur les APLV IgE sont moins optimistes avec des proportions de 15% à 50% d’enfants encore allergiques à 8 ans. Au final, dans près de la moitié des cas un enfant de 10 ans a davantage de problèmes avec le lait que l’enfant n’ayant jamais souffert d’allergie auparavant.
Une tolérance selon la cuisson
Révolution récente, le lait ultra chauffé pourrait être une solution à l’allergie au lait de vache. C’est un moyen déjà utilisé dans l’allergie infantile à l’œuf cru du fait de la destruction des épitopes conformationnels de l’œuf par la cuisson. Bien que les allergènes du lait soient différents, puisque linéaires, il y a quelques années une étude qui fait référence (1) de l’école de Médecine du Mont Sinaï à New York, réalisée sur une centaine d’enfants allergiques au lait de vache de 7,5 ans en moyenne, démontre que la majorité d’entre eux tolèrent le lait chauffé à haute température. Les enfants subissent un test de provocation avec des aliments (gâteaux cuits au four) contenant du lait chauffé à température élevée (environ 200°C). Soixante-huit, soit les deux tiers, ne supportent que le lait hautement chauffé, tandis que 23 lui sont réactifs. L’ingestion régulière de lait cuit 1 à 3 fois par jour par les enfants tolérants leur permet en 3 mois d’améliorer leurs paramètres biologiques tels qu’observé lors d’une désensibilisation (diminution significative du prick test, élévation significative des IgG4 caséine). L’allergie ou la tolérance au lait s’avèrera plus tard dépendre de la diversité et de l’affinité d’épitopes IgE, plus importantes en cas d’allergie sévère. La poursuite de ce travail dans la cohorte d’enfants tolérants montrera par ailleurs de façon particulièrement intéressante qu’après une durée médiane de 37 mois de consommation régulière de lait cuit, sous forme de gâteaux puis de fromage (pizza pour du lait moins cuit), ils sont 60% à acquérir une tolérance au lait cru contre seulement 22 % dans un groupe contrôle (2).
Bien que n’étant pas encore reproduits, ces résultats suggèrent que la consommation de petites quantités de lait cuit pourrait accélérer l’acquisition de la tolérance aux protéines de lait de vache. Leur portée pratique est déjà de pouvoir classer les enfants selon leur tolérance au lait cuit ce qui permet dans de nombreux cas un régime élargi avec un accès aux sources de calcium que sont les produits laitiers, et une vie sociale plus facile.
Pr Christophe Dupont. Allergie alimentaire : aliments crus-aliments cuits
(1) Nowak-Wegrzyn A et col. Tolerance to extensively heated milk in children with cow’s milk allergy. J Allergy Clin Immunol. 2008 Aug;122(2):342-7, 347.e1-2. http://www.jacionline.org/article/S0091-6749(08)01111-1/fulltext
(2) Kim JS et col. Dietary baked milk accelerates the resolution of cow’s milk allergy in children. J Allergy Clin Immunol. 2011 Jul;128(1):125-131.e2. http://www.jacionline.org/article/S0091-6749(11)00674-9/fulltext
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?