La situation périnatale n’est pas très bonne en France. Une première étude avait comparé, entre 2010 et 2015 en Europe, la mortalité périnatale entre plusieurs pays dont la France : déjà, notre pays était le seul à ne pas avoir amélioré la situation, ce qui constituait une première alerte. Entre-temps, l’Epopé (Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique) de l’Inserm a publié un article dans « The Lancet regional health », montrant qu’après une baisse de la mortalité infantile entre 2001 et 2005, il y a eu une stagnation entre 2005 et 2011, puis une remontée depuis une dizaine d’années.
La principale cause est la mortalité néonatale précoce, paramètre qui entre dans la mortalité périnatale. « Les marqueurs sont au rouge autour de la naissance en France. Notre pays est l’un des rares pays européens où il n’existe pas de registre des naissances, pas de culture de l’évaluation et donc, pas de politique de l’évaluation », regrette le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la Société française de néonatalogie.
Or, faute d’évaluation, il n’est pas possible d’expliquer clairement cette augmentation de la mortalité infantile, même si l’on se doute que son origine est probablement multifactorielle : l’âge des mères joue probablement, mais pas seulement. « La répartition très inégale des lits de réanimation en néonatalogie, selon les régions françaises, avec des taux d’occupation déraisonnables, supérieurs à 1 jusqu’à 20 % du temps est un réel problème. C’est d’autant plus dommage qu’il serait très facile de le planifier car on sait d’avance quel pourcentage de naissances va nécessiter des lits en réanimation néonatale », déplore le spécialiste.
Bombe à retardement
Le problème ne vient pas du nombre de maternités, mais du nombre de lits de réanimation néonatale mal répartis et des lieux de naissance trop nombreux en manque de personnels médicaux adaptés. Si l’on avait le même nombre de maternités rapportées à notre population qu’en Suède, seulement 150 seraient nécessaires en France. « La population civile, mal informée, s’oppose souvent à la fermeture des petites maternités alors qu’il n’y en a pas dans toutes les îles de l’Atlantique où vivent à l’année 20 000 habitants, sans que cela pose souci. C’est juste une question d’organisation. Et cela va devenir d’autant plus urgent qu’il y a une réelle modification du rapport au travail des plus jeunes dont il faudra bien tenir compte », insiste le Pr Rozé. En effet, on observe une fuite des jeunes qui ne veulent plus exercer dans de petites structures ou passer des heures à trouver un lit où transférer un nouveau-né.
Conséquence : bon nombre de petites maternités n’ont même plus de pédiatres et, dans les hôpitaux généraux, c’est le même pédiatre de garde qui gère les urgences pédiatriques et les soins intensifs de néonatalogie.
Il y a urgence à anticiper la fermeture des petites structures
Aujourd’hui, nos jeunes confrères veulent exercer dans de grosses structures, en toute sécurité, et sans faire plus de trois ou quatre gardes par mois. Les petites structures sont donc vouées à disparaître, qu’on le veuille ou non, c’est un principe de réalité. Les dysfonctionnements sont déjà assez nombreux et les résultats objectifs, pas bons : « il faut que nos décideurs politiques s’inspirent de ce qu’il se fait ailleurs et qui fonctionne bien, tout en expliquant à la société civile pourquoi les petites maternités doivent se transformer en centres de périnatalité avec une équipe de sages-femmes qui travaillent de jour du lundi au samedi pour assurer le suivi des grossesses et servir de relais à la maternité, plus grosse, située à distance. Il faut anticiper la fermeture des petites maternités car cela va nous tomber dessus, les jeunes ne voulant plus être corvéables à merci : le nombre d’heures travaillées a drastiquement diminué », prévient le Pr Rozé.
Qualité de suivi : peut mieux faire
Autre facteur, la qualité du suivi a surtout été étudiée dans le 93, où la mortalité infantile est assez élevée. Des études qualitatives ont montré que la qualité d’offres de soins était probablement insuffisante.
Enfin, il existe aussi un grand retard sur l’extrême prématurité (bébés nés à 24 SA) en France : alors que ces nouveau-nés nécessiteraient une infirmière diplômée d’état (IDE) par enfant, c’est loin d’être le cas. « Un effort pour améliorer la mortalité périnatale est nécessaire. C’est un bon indicateur du système de soin global d’un pays. Lorsque l’on réduit la mortalité périnatale, on réduit aussi la morbidité », rappelle le Pr Rozé.
Exergue : « Il n’y a pas de culture de l’évaluation et donc pas de politique développée »
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