Le rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), publié en mars, a jeté un pavé dans la mare. Il fait état d'une prévalence de la consommation de psychotropes en population pédiatrique, qui a plus que doublé entre 2010 et 2021, faute de dispositifs de soins et d'accueil adaptés.
En une décennie, la consommation chez les enfants a augmenté de 179 % pour les antidépresseurs et les normothymiques, de 148 % pour les psychostimulants, de 114 % pour les antipsychotiques et de 35 % pour les hypnotiques et les anxiolytiques. Des prescriptions souvent hors autorisation de mise sur le marché.
Crainte d'une diabolisation des médicaments
Si les auteurs ne contestent pas catégoriquement l'intérêt des médicaments, ils regrettent surtout qu'ils se substituent aux thérapies de première intention, censées reposer sur les pratiques psychothérapeutiques, éducatives et les dispositifs de prévention et d'intervention sociale. Par exemple, la consommation de méthylphénidate, ce psychostimulant indiqué dans le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), a été multipliée par deux (+ 116 % entre 2010 et 2019) quand les visites en centres médico-psychopédagogiques ont été divisées par quatre.
La médiatisation qui en a été faite a fait poindre une diabolisation des médicaments. Un mois plus tard, sept sociétés savantes, dont la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et disciplines associées (SFPEADA), ont pris la parole pour dire la nécessité d'offrir une palette de soins complète. Et de s'attaquer aux causes profondes du phénomène : « l'insuffisance majeure reconnue de moyens contribue sans aucun doute à l'augmentation des prescriptions de psychotropes », lit-on dans leur communiqué commun.
Environ 1,6 million de jeunes souffriraient d'un trouble psychique en France, mais seulement 750 000 à 850 000 seraient suivis chaque année, a aussi déploré la Cour des comptes dans un autre rapport publié au printemps. Elle pointe un parcours de soins grippé à tous les niveaux : de la prévention et du repérage à la prise en charge des troubles sévères, en passant par les troubles légers à modérés.
Une stratégie TND qui divise
Face au mal-être de la pédopsychiatrie, toujours pas de grande réforme. Emmanuel Macron a, en personne, lancé la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND), dont l'autisme, en novembre. Parmi ses priorités, figure la systématisation du repérage des écarts de développement de la naissance à 6 ans, grâce aux visites médicales obligatoires et à une grille simplifiée. Sont aussi mises en avant l'extension des plateformes de coordination et d'orientation (PCO), la création d'un sixième centre d'excellence et l'ouverture d'un Institut du cerveau au sein de l'hôpital Robert-Debré (AP-HP).
Mais les pédopsychiatres restent sur leur faim. La SFPEADA a notamment regretté une déqualification de la discipline dans l'autisme. « Tous les troubles deviennent "neuro" et le mot "psychiatrie" n'est pas prononcé. Les neurosciences sont intellectuellement très intéressantes, elles permettent de comprendre un peu les maladies. Mais si un enfant hyperactif ou autiste est en souffrance, ce sont des équipes de pédopsychiatrie qui s'en occupent sur le terrain ! », a récemment réagi dans nos colonnes son président, le Pr Bruno Falissard. Et d'annoncer la tenue d'assises de la refondation de la pédopsychiatrie en avril.
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