Allergène masqué
Comparativement aux autres allergies alimentaires usuelles, lait de vache et œuf, l’allergie à l’arachide est la plus sévère. Une anaphylaxie est toujours possible au cours de l’évolution même si les premières manifestations sont cutanées ou gastro-intestinales en particulier chez l’adolescent.
La conduite actuelle se limite à une éviction stricte permettant d’éviter les accidents mais ne fait pas disparaître la sensibilisation et le risque de récurrence en cas d’ingestion ultérieure.
De plus l’arachide est un allergène masqué, elle peut apparaître sous des présentations variées, après avoir subi des procédés industriels divers, dont le but essentiel est l’enrichissement en protéines. Elle entre dans la composition de nombreux aliments industriels (gâteaux, céréales, soupes, charcuteries…) et dans de nombreuses préparations alimentaires, et peut également être utilisée dans des produits divers comme le plastique, les adhésifs ou les shampoings…
Les caractéristiques de l’allergie à l’arachide altèrent sérieusement la qualité de vie des familles et les problèmes s’accroissent encore à l’adolescence avec l’augmentation du risque anaphylactique.
Éviction
Les études de suivi de l’évolution naturelle de l’allergie à l’arachide montrent un taux de guérison médiocre. Rangaraj étudiant l’évolution de 82 enfants âgés de 4 à 16 ans évalue les chances de guérison à 15 %.
Dans l’étude de Van der Leek, une évolution favorable est probable chez 4 enfants dont les IGE spécifiques sont inférieures à 1,2 kU/L et dont le test de provocation est négatif, ce qui représente 9,6 % de la population observée.
L’expérience menée à Nancy par le Pr D. A Moneret-Vautrin (1) auprès de 117 enfants allergiques à l’arachide ayant bénéficié d’au moins deux tests de provocation orale réalisés en double aveugle à un an d’intervalle ou plus montre que le taux de guérison naturelle est faible : 7/117 soit 6 %. L’éviction stricte d’arachide, si elle permet d’espérer l’absence d’accident n’est donc en rien assimilable à une thérapeutique.
La conception actuelle est que l’éviction s’oppose à l’installation d’une tolérance. C’est pourquoi on s’oriente vers des protocoles thérapeutiques visant à installer une tolérance orale, à la lumière de l’expérience acquise dans l’allergie au lait, à l’œuf et à la farine de blé. Les modifications immunologiques au cours de l’acquisition d’une tolérance au lait et à l’œuf sont identiques à celle d’une guérison naturelle : apparition d’IgG4 spécifiques, diminution d’activation des lymphocytes Th2 et bascule vers une activation Th1, développement d’une activité T régulatrice », explique le Pr D. A Moneret-Vautrin.
Protocoles de tolérance orale
Deux expériences d’induction de tolérance orale à l’arachide ont été publiées récemment (2-3)
Une expérience américaine et une expérience anglaise ont été menées respectivement chez 28 et 4 enfants d’a 16 ans.
Leurs protocoles de tolérance à l’arachide reposent sur l’administration quotidienne de produit à base d’arachide (farine contenant 50 % de protéines et partiellement dégraissée).
La phase initiale d’escalade comporte des paliers de quinze jours avec augmentation de 25 mg par palier (en milieu hospitalier), pour atteindre une dose stable de 300 mg de protéines d’arachide (équivalent environ à 1,2 g de cacahuètes entières) ; l’étape suivante est la prise quotidienne d’arachide à domicile.
Dans la série américaine, 20 enfants ont terminé le protocole, 46 % des enfants ont présenté des réactions indésirables au cours de la progression des doses (symptômes respiratoires les plus fréquents, réactions cutanées et symptômes digestifs) ; aucune réaction grave n’a été constatée.
Lors de la prise quotidienne à domicile, les symptômes respiratoires sont restés fréquents le plus souvent en relation avec une maladie asthmatique, une seule réaction sérieuse à type d’œdème laryngé a été colligée.
L’expérience de l’équipe du Pr D A Moneret-Vautrin repose sur une étude ayant inclus 38 enfants entre janvier 2007 et juin 2009 ; 34 enfants sur 38 ont bénéficié d’un protocole complet. Trois fois par semaine pendant plusieurs semaines ils ont absorbé sous très haute surveillance des doses progressivement croissantes d’arachide pour atteindre en fin de protocole, 12 g de cacahuètes par semaine ; « on estime que les enfants ont alors atteint un état de tolérance qui leur permet d’avoir un régime alimentaire totalement libre, des mesures de vigilance s’imposant néanmoins pour parer au moindre incident ».
Cette étude préliminaire contribue à assurer la faisabilité de protocoles de tolérance à l’arachide, d’approfondir les facteurs de risque de réactions indésirables au cours de ces protocoles et d’accentuer les mesures de sécurité, conclut le Pr D. A Moneret-Vautrin.
Congrès National d’Asthme et d’Allergie. De l’enfant à l’adulte/de la recherche à la clinique. D’après la Communication du Pr D A Moneret-Vautrin, Nancy
1. Moneret-Vautrin D. A, Rance F.et al Food allergy to peanuts in France-evaluation of 142 observations. Clin Exp Allergy 1 998 ; 28 :1 113-9.
2. Hofmann A, M, Scurlock A.M et al Safety of a peanuts oral immunology protocol in children with peanuts allergy J. Allergy Clin Immunol 2009 124 :286-91, 291 et 1-6.
3. Clark A T Islam S et al. Successful oral tolérance induction in sévère peanuts allergy. Allergy 2 009 ; 64 :1 218-20.
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