LES PREMIERS symptômes d’un trouble psychotique sont peu spécifiques et peuvent être considérés comme banals chez l’adolescent : troubles du sommeil, anxiété, difficultés de concentration. D’autres sont plus évocateurs, comme des difficultés d’organisation de la pensée, des automatismes mentaux, des idées fixes ou des altérations perceptuelles fugaces, mais souvent le jeune patient ne sait pas les décrire, les cache ou les minimise. Il les attribue volontiers à la consommation de toxiques, généralement du cannabis.
Des outils ont été mis au point pour repérer ces signes psychotiques débutants. Trois échelles sont plus particulièrement utilisées : la CAARMS mise au point en Australie, la SIPS/SOPS, développée aux États-Unis et la BABS, élaborée en Allemagne et davantage centrée sur les mécanismes proprement psychotiques. Elles peuvent être fort utiles, mais, outre une formation à leur utilisation, elles prennent du temps, une heure ou plus, ce qui les rend peu compatibles avec une consultation en ville. D’autant que, comme l’explique le Pr Krebs, ces outils cliniques doivent s’intégrer dans un bilan plus global, multidimensionnel comprenant une évaluation cognitive (capacités d’abstraction, mémoire…), un bilan métabolique à la recherche d’une maladie somatique ignorée (maladie de Wilson, affection endocrinienne, hépatite…), un bilan neurologique, une évaluation pédagogique, l’analyse de l’environnement familial… Ce bilan, réalisé si possible dans des structures dédiées comme le Centre d’évaluation du jeune adulte et de l’adolescent (voir encadré), permet d’apprécier la situation dans son ensemble et de définir au mieux les éléments pronostiques.
" Il ne faut pas oublier, insiste le Pr Krebs, que la mise en évidence de troubles psychotiques chez un adolescent ne présage pas de son avenir". Des études menées en Australie ont montré qu’environ 40 % des sujets repérés comme à risque font effectivement une transition psychotique au cours de l’année suivante, mais ce pourcentage est sans doute plus faible aujourd’hui grâce aux efforts accomplis pour dépister plus tôt les jeunes à risque. On peut donc estimer que plus de la moitié de ces adolescents et jeunes adultes ne développeront pas une psychose, même quand ils présentent des symptômes évocateurs. " Une prise en charge adaptée améliore en effet le pronostic", remarque le Pr Krebs.
Le rôle du cannabis
Il existe de fait des facteurs favorisants relativement bien identifiés, alors que les facteurs protecteurs sont encore mal connus. Premier facteur précipitant : le stress ou une hyperréactivité au stress ; le stress peut aussi être un facteur déclenchant.
" Le deuxième facteur favorisant bien décrit est le cannabis. Le fait d’avoir consommé du cannabis avant l’âge de 18 ans double le risque de psychose ultérieure, une consommation avant 15 ans le quadruple, une consommation importante le multiplie par 6 et la présence d’un symptôme préalable augmente le risque de plus de 10 fois", souligne le Pr Krebs. Sachant que 8 à 10 % de la population présentent au moins un facteur de vulnérabilité à la psychose, qu’il s’agisse de traits psychotiques ou de personnalités schizotypiques, on mesure le potentiel précipitant ou aggravant de l’exposition au cannabis", poursuit-elle. Les recherches doivent néanmoins être poursuivies pour évaluer de façon plus précise le rôle du cannabis, les facteurs influençant le risque face au cannabis, mais aussi son ou ses mécanismes d’action et pourquoi il agit tout particulièrement à l’adolescence. " L’enjeu de ces recherches est considérable, explique le Pr Krebs, car elles devraient ouvrir sur des pistes thérapeutiques et/ou préventives".
D’après un entretien avec le Pr Marie-Odile Krebs, service hospitalo-universitaire et laboratoire de physiopathologie des maladies psychiatriques, Inserm, Université Paris Descartes, Hôpital Sainte-Anne, Paris.
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