(À Stockholm) Il est 9 h 40, et un silence ouaté baigne encore les couloirs du 7e étage. Une maman en pyjama, bébé dans un bras, quitte sa chambre, badge une porte et rejoint la cuisine.
Dans le living-room, un couple bulle devant la télé. Ceux qui ne sont pas encore au petit-déjeuner se sont probablement accordé une « grasse-mat ». Repos pas superflu pour des pensionnaires qui ne chôment pas : au service de néonatologie du Barnsjukhus (hôpital pour enfants) de Huddinge, dans la banlieue sud de Stockholm, les parents logent sur place pour prendre soin, jour et nuit, des petits prématurés qui luttent pour grandir. Rapprocher les prématurés de leurs parents, l'idée n'est pas neuve. Elle est née dans le sillage de la méthode NIDCAP (Programme néonatal individualisé d'évaluation et de soins de développement), un programme centré sur le lien familial, pensé et bâti par la clinicienne Heidelise Als, à la fin des années 1980, au Children's Hospital de Boston. Reste que la Suède est pionnière dans sa concrétisation. Et l'hôpital Karolinska de Huddinge exemplaire en la matière.
Des infrastructures adaptées
« Depuis 15 ans, cette méthode progresse en Suède. Mais elle exige des infrastructures adaptées. Ici par exemple, il a fallu attendre la rénovation complète du service, il y a 6 ans, pour pouvoir accueillir mères et pères », souligne le Dr Lars Navér, le directeur de l'unité de soins intensifs néonatale. Avant les travaux, l'hôpital a interrogé des parents pour sonder leurs besoins. Verdict : « L'intimité, voilà leur priorité. Et pouvoir rester là la nuit, les deux parents en même temps », note Anne-Louise Dahlfalk, aide-soignante. Ont donc été créées 18 chambres familiales de 18m2 (avec salle de bains), au sein même du service. Les parents y vivent, avec le bébé, toute la durée de l'hospitalisation, 24h/24. Les deux chambres d'isolement et les couveuses en réa ont aussi leurs dépendances familiales. Au total, 32 enfants et leurs parents peuvent être accueillis dans ce service, qu'animent 120 infirmièr(e)s et une vingtaine de médecins. Une vaste cuisine-salle à manger, avec casiers individuels pour les victuailles, un petit salon télé et une buanderie pour les lessives parent aux besoins du quotidien.
Ici, les parents ne sont pas spectateurs, au contraire. Ils sont des co-soignants. D'ailleurs, le staff médical parle de « family care » (soin familial). Ce qui implique… de s'impliquer. « D'abord, il doit toujours y avoir un parent dans la chambre avec le bébé. En permanence. Ensuite, nous leur déléguons une partie des soins : veiller l'enfant, le réveiller avant les repas, le nourrir, changer les couches, la toilette… c'est leur job ! », explique Kerstin Andersson, aide-soignante. « Évidemment nous les formons et sommes responsables in fine », précise-t-elle. L'objectif est triple, résumé par le Dr Lars Navér : « Mettre les parents en confiance, favoriser le développement neurocognitif de l'enfant, et réduire les temps d'hospitalisation. »
Une étude publiée en 2010 dans la revue « Pediatrics » par son confrère le Dr Björn Westrup, qui a importé la méthode NIDCAP en Suède, montre l'impact de ce family care : hospitalisation réduite en moyenne de 5 jours (à 27 jours au total), de 10 jours lorsque le family care a eu lieu en soins intensifs, sevrage en oxygène précoce, recul du nombre d'infections, meilleur taux d'allaitement à 3 mois, etc. « Ils sont aussi facilitateurs de soins. Lors d'une prise de sang par exemple, un parent rassure l'enfant pendant que l'on travaille. Leur voix a beaucoup plus d'effet que la nôtre », témoigne Kerstin Andersson. Les occasions de peau-à-peau sont démultipliées, de jour comme de nuit.
Vivre ensemble a dû s'apprendre
« Au début, c'était difficile, confesse Anne-Louise Dahlfalk. Il a fallu s'habituer à la présence continue des parents. Certains sont là pendant 3 - 4 mois. » Le personnel a des formations régulières pour gérer cette cohabitation. Chaque année, 500 bébés sont accueillis dans le service. Pour Fia et Per Svensk, 42 et 41 ans, et leur petit Charli, le séjour se termine, après 8 semaines non-stop dans le service. « Nous sommes un peu stressés mais, finalement, nous rentrons à la maison plus aguerris que des parents d'un bébé « normal ». Ici, nous avons appris à connaître Charli, à le comprendre, à le soigner », explique Per, le papa. « Et puis, sourit Fia, l'hôpital, c'est bien, mais pouponner chez soi, je n'attends que ça ! »
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?