PLUS DE LA MOITIÉ des handicaps neuropsychiques de l’enfant sont d’origine périnatale, c’est-à-dire qu’ils sont liés à des facteurs ou des lésions cérébrales acquises dans le dernier trimestre de la grossesse et la période néonatale. La moitié de ces handicaps surviennent chez des enfants nés à terme et l’autre moitié chez les enfants nés prématurés avant 37 semaines de terme.
La mortalité des grands prématurés a fortement diminué, mais une prise en charge médicale ou paramédicale spécifique à 5 ans reste nécessaire chez un tiers d’entre eux (1). Au total, presque 40 % de ces anciens grands prématurés présentent une déficience motrice, sensorielle ou cognitive, les difficultés mineures étant les plus fréquentes. Mais une paralysie cérébrale est observée chez 9 % de ces anciens grands prématurés nés en 1997 dans 9 régions de France. Parmi ceux-ci, un tiers des enfants ne marchent pas et un tiers marchent seulement avec une aide. Les difficultés cognitives des grands prématurés, qui risquent de les exposer à des troubles des apprentissages lors de leur scolarisation, ont pu être sous-estimées.
Les lésions cérébrales et les incapacités acquises en période périnatale ont une origine multifactorielle.
Leur prévention, voire leur réparation, restent toutefois possibles, mais les stratégies de neuroprotection sont complexes à établir en raison de la multiplicité des facteurs de risque impliqués. Il est également difficile de déterminer le moment de l’initiation de la cascade délétère. Les marqueurs de stress fœtal ont par ailleurs une mauvaise spécificité, tout comme les anomalies de l’adaptation à la vie extra-utérine. De plus, les voies métaboliques responsables de troubles du développement cérébral sont multiples. Dernier élément, les traitements envisagés, aux effets pharmacologiques nombreux, ont des effets bénéfiques mais aussi des conséquences délétères potentielles.
Pourquoi du sulfate de magnésium ?
Le sulfate de magnésium protège le cerveau de grands prématurés du fait de ses propriétés pharmacologiques. Il augmente le flux sanguin cérébral par vasodilatation artérielle. Il stabilise la pression artérielle de l’enfant né prématuré durant les 48 premières heures de vie postnatale. Il a un rôle essentiel dans de nombreuses chaînes métaboliques au sein de la cellule, notamment au niveau de la glycolyse, de la phosphorylation oxydative, de la synthèse des protéines, de l’agrégation de l’ADN et de l’ARN et dans le maintien de l’intégrité des membranes cellulaires. Il influence par ailleurs les processus à l’origine de la mort cellulaire, par exemple en diminuant la production de radicaux libres et de cytokines pro-inflammatoires.
Il est ainsi utilisé comme tocolytique aux États-Unis, avec des effets peu probants, et afin de réduire les complications associées à l’éclampsie chez les femmes en prééclampsie (2).
Plusieurs méta-analyses de cinq essais randomisés utilisant le sulfate de magnésium en période anténatale chez la femme en menace d’accouchement prématuré sévère ont confirmé les tendances observées dans les différents essais (2). Elles permettent d’affirmer que le sulfate de magnésium diminue de façon significative les taux de paralysie cérébrale observés entre 18 et 24 mois, mais entraîne aussi une réduction significative de la prévalence des difficultés motrices et du critère combiné associant mortalité pédiatrique et paralysie cérébrale à deux ans. Chez les enfants, aucun effet délétère significatif n’a été constaté. Chez les mères, les effets secondaires mineurs rapportés ont disparu à l’arrêt du traitement.
Ainsi, le sulfate de magnésium apparaît comme le seul traitement qui, donné en anténatal, est protecteur pour le cerveau en développement des enfants naissant avant 33 semaines. Il pourrait être administré en routine à faible dose sous stricte surveillance (3).
D’après un entretien avec le Pr Stéphane Marret, pédiatrie néonatale et réanimation, centre d’éducation fonctionnelle & gynécologie-obstétrique, CHU de Rouen et équipe région-INSERM (ERI28) Neovasc handicap périnatal et neuroprotection, institut hospitalo-universitaire de recherche biomédicale, université de Rouen.
Conflits d’intérêt : aucun
(1) Larroque B, Ancel P-Y, Marret S, et al. Neurodevelopmental disabilities and special care of 5-year-old children born before 33 weeks of gestation (the EPIPAGE study): a longitudinal cohort study. Lancet 2008 Mar 8;371(9615):813-20.
(2) Altman D, Carroli G, Duley L, et al. Do women with pre-eclampsia, and their babies, benefit from magnesium sulphate? The Magpie Trial: a randomised placebo-controlled trial. The Lancet 2002 Jun 1;359(9321):1877-90.
(3) Marret S. Prevention of cerebral palsy by magnesium sulphate. Rev. med. perinat. 2010 Dec 30;2(4):177-80.
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