Prise en charge des angiomes

Les bêtabloquants, une révolution

Publié le 21/10/2009
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Crédit photo : DR

Par les Drs CARINE FUCHSMANN (1), SONIA AYARI (1), LAURENT GUIBAUD (2), PATRICK FROEHLICH (1)

LES HÉMANGIOMES sont les tumeurs les plus fréquentes de l’enfant, toutes localisations confondues, atteignant 12 % des enfants caucasiens nés à terme. Ces lésions présentent une évolution triphasique caractéristique : une phase proliférative débutant dans les premières semaines de vie et jusqu’à 8 à 12 mois, une phase de stabilisation, puis une régression de l’angiome qui a disparu à 7 ans dans 70 % des cas. Malgré cette évolution vers l’involution, un traitement au cours de la phase proliférative est souvent nécessaire. En effet, les hémangiomes peuvent être responsables de détresse respiratoire avec risque vital en cas de localisation sous glottique ou trachéale, de séquelles fonctionnelles dans les localisations péri-orificielles ou rétro-orbitaires et les atteintes cutanées peuvent laisser des cicatrices disgracieuses.

Le traitement des hémangiomes capillaires infantiles cervicofaciaux situés dans une localisation à risque est en première intention la corticothérapie intralésionnelle ou générale. De nombreux enfants ayant bénéficié de corticothérapie générale au long cours du fait d’une corticodépendance ont développé un syndrome cushingoïde, de l’hypertension artérielle et un retard de croissance. De nombreux traitements adjuvants ont été essayés (dont l’interferon), avec des résultats et des effets secondaires variables. Aucun à ce jour n’a fait l’unanimité. En ce qui concerne les angiomes laryngés, source d’obstruction sévère des voies respiratoires, la trachéotomie a d’abord été remplacée par l’exérèse par voie externe ou par la destruction endoscopique.

Le propanolol est un bêta-bloquant non cardio-sélectif. A doses thérapeutiques, il est très bien toléré par les nourrissons. Avant leur mise en route, les patients bénéficient d’une consultation de cardiologie avec échocardiographie afin de vérifier l’absence de contre-indication sur le plan cardiaque. Le traitement est mis en route en ambulatoire à doses progressivement croissantes sur quelques jours. La posologie initiale est de 1 mg/kg répartie en 2 prises, puis cette dose est augmentée pour atteindre 3 mg/kg en une semaine. Les principaux effets secondaires rapportés sont les hypoglycémies dans des situations de jeûne, des malaises avec pâleur, des épisodes de cyanose et d’hypotension. Les parents ont pour consigne d’interrompre le traitement en cas de vomissements importants et prolongés, de jeune, et en cas de manifestations asthmatiformes.

Nous avons instauré ce traitement chez 15 nourrissons et un enfant de 13 mois présentant un hémangiome volumineux et nécessitant un traitement. Le traitement a été efficace chez 14 des 15 nourrissons, quelle que soit la localisation. Il a été sans effet chez le jeune enfant qui présentait un hémangiome sous-glottique ayant déjà bénéficié de plusieurs traitements. La régression de l’hémangiome a été observée en quelques jours, le traitement était maintenu en moyenne jusqu’à l’âge de 7 mois, des rebonds ayant été observés lors d’arrêts plus précoces ; la régression s’est maintenue après l’arrêt. Le traitement semble être très bien toléré, le seul effet secondaire noté à 2 reprises a été des troubles du sommeil avec cauchemars. Dans les localisations cutanées, nous avons observé un changement de couleur de l’hémangiome puis une diminution progressive de son volume. Un nourrisson de 4 mois présentant un hémangiome ulcéré au niveau du palais dur avec douleurs importantes rendant les tétées difficiles a bénéficié du traitement par propanolol, en une semaine, l’hémangiome a diminué de volume et l’ulcération a quasiment disparu, avec normalisation des tétées. Un nourrisson de 4 mois pris en charge pour un hémangiome obstruant le larynx à 75 %, avec absence de prise pondérale au cours du dernier mois et signes d’épuisement, a pu sortir après une semaine de traitement avec disparition des signes de lutte et des bruits inspiratoires.

Il n’y a à l’heure actuelle pas d’AMM pour les bêtabloquants dans cette indication et des études multicentriques randomisées doivent être mises en place afin de confirmer les observations effectuées par les différentes équipes à travers le monde qui ont utilisé avec succès les bêtabloquants dans les hémangiomes capillaires infantiles.

Les bêtabloquants semblent être un traitement prometteur des hémangiomes capillaires infantiles avec une efficacité rapide et une faible morbidité. Même si des études sont nécessaires, leur rapport bénéfice/risque semble être favorable en comparaison des autres traitements actuellement utilisés jusqu’à présent.

Hôpital Femme Mère Enfant, Bron.

(1) Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale pédiatrique

(2) Service de radiologie pédiatrique

(3) Propranolol for severe hemangiomas of infancy. Leauté-Labrèze C, Dumas de la Roque E, Hubiche T, Boralevi F, Thambo J-B, Taïeb A. N Engl J Med 2008 ; 358 :24-6).

Légendes

A : Angiome sous glottique en fer à cheval chez un nourrisson de 3 mois responsable de dyspnée inspiratoire avec tirage

B : Contrôle endoscopique 2 mois après la mise en route du traitement par bêtabloquants

Photographies d’une enfant présentant un hémangiome hémifacial droit à l’âge de 3 mois et demi (date de la mise en route des bêtabloquants), 6 mois et 12 mois.

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr