Entre 2010 et 2019, l'exposition des enfants aux médicaments a augmenté en ambulatoire en France, révèle une étude coordonnée par l'Inserm. Un résultat inquiétant pour les auteurs qui plaident pour une meilleure formation et information autour des prescriptions inutiles et de leurs risques pour la santé.
Ces chiffres proviennent du travail de chercheurs Inserm, de l’Université de Paris, du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress), de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/Université Paris-Saclay et du groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare. Les résultats ont été publiés dans le « Lancet Régional Health Europe ».
Une première étude française portant sur les prescriptions médicamenteuses dans la population pédiatrique avait été faite en 2011 par une équipe du CHU de Bordeaux, à partir d'une cohorte de133 800 enfants. La prévalence de la prescription de médicament était de 84 %, pour une prescription médiane de cinq médicaments par enfant et par an, soit la fréquence de prescriptions la plus élevée au monde. De nouvelles recommandations ont été émises alors dans l'objectif d'inverser la tendance.
Cette nouvelle analyse décrit les fréquences des prescriptions médicamenteuses en pédiatrie ambulatoire en 2018-2019 et les compare à celles de 2010-2011 grâce aux données fournies par le Système national de données de santé (SNDS). Afin de tenir compte de l’influence des épidémies infectieuses sur les prescriptions médicamenteuses ambulatoires, une moyenne des fréquences de prescriptions médicamenteuses annuelle a été calculée sur deux ans.
Les enfants de moins de 6 ans les plus exposés
Il en ressort que les enfants de moins de 6 ans constituent la catégorie la plus exposée aux prescriptions médicamenteuses. Entre 2018 et 2019, 86 % des enfants de moins de 18 ans, et 97 % des moins de 6 ans, ont été exposés à au moins une prescription médicamenteuse au cours d’une année, soit 4 % de plus qu'en 2010-2011, malgré une diminution de 12 % de la fréquence de prescription des antibiotiques dans les 10 dernières années.
Les classes thérapeutiques les plus prescrites sur la période 2018-2019 étaient les analgésiques (64 %), les antibiotiques (40 %), les corticoïdes par voie nasale (33 %), la vitamine D (30 %), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (24 %), les antihistaminiques (25 %) et les corticoïdes par voie orale (21 %).
L’étude révèle des tendances inquiétantes : un enfant de moins de 6 ans sur trois a reçu une prescription de corticoïde oral au cours de l’année 2018-2019, malgré les effets indésirables connus de cette classe thérapeutique. Par ailleurs, 2 % des nourrissons de moins de 6 semaines ont reçu une prescription d’inhibiteurs de la pompe à proton au cours de l’année 2018-2018, « alors que la fréquence des affections pour lesquelles ce traitement est recommandé est bien inférieure à cet âge », souligne le Dr Marion Taine, premier auteur de l'étude.
Les Français aiment leurs médicaments
Pour les chercheurs, ces niveaux élevés de prescriptions pourraient s’expliquer notamment par l’image positive qui est associée aux médicaments en France, tant dans la population que parmi les prescripteurs. Dans les autres pays à économie avancée, il existerait un rapport plus conscient de la balance bénéfice-risque.
« Ces résultats préoccupants nécessitent des analyses détaillées pour mieux cibler les futures campagnes de formation pour optimiser l’usage des médicaments en pédiatrie. Une meilleure information de la population et des prescripteurs vis-à-vis de l’usage des médicaments chez l’enfant est indispensable », conclut la chercheuse.
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