Faibles ressources financières, âge inférieur à 20 ans, addictions, violences conjugales, pathologie psychiatrique ou somatique chronique ou encore hospitalisation en psychiatrie juste avant, pendant ou après la grossesse : ces facteurs sont associés à un risque de maltraitance physique précoce (c’est-à-dire sur les enfants de moins d’un an), souligne une étude française.
Si des travaux ont déjà identifié des facteurs de risque de maltraitance infantile, aucune étude n’avait encore porté sur des données françaises. C’est cette lacune qu’a voulu combler une équipe associant le service de pédiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), l’Université Paris Cité, l’Inserm, le CHU de Nantes et le groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare (Cnam – ANSM).
Des données croisées mère-enfant
« Par rapport aux travaux antérieurs qui se concentraient soit sur l’enfant, soit sur la mère, l’intérêt de cette étude est de disposer de données croisées et complètes sur la mère et l’enfant, permettant une analyse des facteurs de risque de la grossesse au premier anniversaire de l’enfant », souligne Flora Blangis, sage-femme et coordinatrice de ce travail aux côtés du Pr Martin Chalumeau.
Dans cette étude publiée dans The Lancet Regional health – Europe, les chercheurs se sont penchés sur les données de la cohorte Epi-Mères, collectées entre 2010 et 2019. Au total, 6 897 384 nourrissons ont été inclus. Parmi eux, 2 994 (40/100 000) ont reçu un diagnostic de maltraitance physique infantile (MPI) - définie comme l’usage intentionnel de la force physique envers un enfant (frapper, étouffer, secouer) - à un âge médian de 4 mois.
Plusieurs facteurs de risque indépendants de MPI ont été identifiés chez la mère : les faibles ressources financières (aHR = 1,9), un âge < 20 ans contre 35 à 40 ans (aHR = 7), un trouble de la consommation d'alcool (aHR = 1,85), un trouble lié à la consommation d'opioïdes (aHR = 1,90), des violences conjugales (aHR = 3,33), un diagnostic de trouble mental chronique (aHR = 1,50) ou de trouble somatique (aHR = 1,55) et une hospitalisation pour un trouble mental (aHR = 1,88). Chez l’enfant, deux facteurs apparaissent associés au risque : une naissance très prématurée (aHR = 2,15) et le diagnostic d'un trouble neurocognitif chronique sévère (aHR = 14,37).
Les garçons plus souvent victimes que les filles
À l’instar d’autres travaux, la prévalence de MPI est plus importante chez les garçons que chez les filles. « Plusieurs hypothèses sont avancées par la littérature, indique Flora Blangis. La principale relève de la manière dont les cris des petits garçons sont perçus. Mais des travaux sont à mener pour confirmer cette hypothèse et en explorer d’autres. » L’étude ne permet pas d’établir de lien de causalité, rappelle Flora Blangis. Et « il est important de garder en tête que le plus souvent l’auteur des maltraitances n’est pas la mère. Les facteurs de risque identifiés déterminent un environnement à risque », insiste-t-elle. Les résultats permettent ainsi d’envisager des programmes de prévention efficaces.
Pour l’heure, « la détection dans les maternités des profils à risque de violences repose surtout sur des éléments subjectifs. Le risque est évalué à l’aune de l’expérience des professionnels », relève Flora Blangis. L’étude apporte aux soignants des éléments de compréhension d’un phénomène multifactoriel afin de mieux cibler les comportements à risque.
Dans l’immédiat, une meilleure connaissance des mécanismes de la maltraitance physique infantile pourrait conduire à « la création d’outils de stratification du risque, permettant ainsi l’allocation des ressources aux parents qui pourraient en avoir le plus besoin », encourage le Pr Martin Chalumeau, chef du service de pédiatrie générale et maladies infectieuses à l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP).
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