Des chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture (Inrae), en collaboration avec l’université Paris-Saclay, montrent que la césarienne perturbe la barrière intestinale du nouveau-né et qu’une supplémentation en lactobacilles pourrait contribuer à la restaurer. Publiée dans Microbiome, cette étude menée chez des souriceaux ouvre des pistes de recherche intéressantes chez l’humain.
La césarienne concerne actuellement 20 % des naissances en France. Or, des études ont montré qu’elle perturbe la transmission du microbiote de la mère à l’enfant et le prédispose à des perturbations comme les allergies, l’obésité et l’inflammation intestinale.
« Pendant la grossesse, le microbiote vaginal et intestinal de la mère s’adapte pour donner les micro-organismes qu’il faut au nouveau-né pendant l’accouchement », explique Rebeca Martin-Rosique, chercheuse à l’unité Micalis (Microbiologie de l’alimentation au service de la santé) de l’Institut national de recherche pour l’agriculture (Inrae) et co-autrice de l’étude.
Pendant l’accouchement par voie basse, le bébé, qui est stérile jusque-là, est contaminé par les micro-organismes vaginaux et intestinaux de sa mère par le nez et la bouche. « Si le bébé naît par césarienne, ce ne sont pas les mêmes bactéries qui se déposent sur lui », souligne la chercheuse.
Altérations de la production des acides gras à chaîne courte
Pour mener ses travaux, l’équipe a choisi un modèle de souris, qui a des différences avec le microbiote humain mais peut cependant servir de base aux recherches.
« Nous avons effectué des analyses au niveau de l’épithélium, des cellules qui produisent le mucus, des cytokines, des populations lymphocytaires, etc. Nous avons réalisé des analyses de microbiote mais aussi des analyses des métabolites produites par les bactéries », détaille-t-elle.
Les scientifiques ont ainsi pu constater que les souriceaux nés par césarienne avaient une inflammation de bas degré ainsi qu’une perméabilité altérée. « Nous avons relevé des altérations de la production des acides gras à chaîne courte, qui sont des molécules très importantes pour la maturation de l’épithélium, comme l’acétate ou le butyrate », décrit la chercheuse.
Les conséquences ont ensuite été mesurées à l’âge adulte. « Nous avons observé que les souris nées par césarienne étaient plus sensibles à l’inflammation induite, poursuit-elle. Avec un modèle de rectocolite hémorragique ou Mici, on observe qu’en injectant une dose de produit provoquant une inflammation, la réaction inflammatoire est beaucoup plus forte à la même dose de produit que chez des souriceaux nés par voie basse. Cela suggère un lien entre l’inflammation et le fait que ce ne soit pas le bon microbiote qui s’est déposé. »
Pour vérifier cette hypothèse, les scientifiques ont pris des souris libres de germes et les ont colonisées avec le microbiote de souris nées par voie basse et par césarienne : « Nous les avons soumises à notre modèle de colite et avons effectivement observé une sensibilité à l’inflammation plus forte chez les souris colonisées avec le microbiote de souris nées par césarienne », détaille la chercheuse.
Supplémentation en probiotiques
Pour elle, ces recherches sont une « preuve de concept ». « Cela montre que les modifications du microbiote très tôt dans la vie ont des impacts à long terme », estime-t-elle. La bonne nouvelle, c’est que des solutions existent : « Nous avons supplémenté les souris nées par césarienne avec des micro-organismes qui manquaient et nous avons pu montrer qu’on revenait à une situation normale. Il est donc possible d’intervenir tôt dans la vie et de restaurer des conditions favorables », se réjouit-elle.
Ces recherches ouvrent la voie à la réalisation d’études sur la supplémentation en probiotiques de bébés nés par césarienne. Par ailleurs, des recherches menées actuellement par une chercheuse américaine, Maria Gloria Dominguez-Bello, montrent le bénéfice de mettre un petit tissu dans le vagin de la mère et le passer dans la bouche du bébé avec des fluides vaginaux. En Europe, des études cliniques sont en cours sur le transfert de microbiote fécal. « Avant, pour la périnatalité, il y avait peu de bactéries, mais nous avons actuellement des projets en cours avec des partenaires industriels pour isoler des bactéries du nouveau-né » conclut Rebeca Martin-Rosique.
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