Il est urgent d’engager des réformes « pour éviter la chronique d’une mort annoncée de la périnatalité en France », alerte ce lundi dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP). Co-signée par onze experts, représentants de sociétés savantes et d’usagers*, le courrier exige une nouvelle organisation des soins en périnatalité pour sortir de la crise actuelle.
Tous considèrent que l’organisation des soins en périnatalité est « en inadéquation » avec les besoins de la population et les demandes des professionnels, notamment en raison d’une pénurie croissante en ressources humaines. « Ni le virage sociologique des professions de santé, ni l’évolution des attentes des jeunes professionnels (désir d’effectuer moins d’heures hebdomadaires, moins de gardes par mois, plus de temps partiels…) n’ont été suffisamment appréciés et anticipés », déplorent les signataires.
« Limiter le nombre de gardes »
Si le nombre de gynécologues en formation est en augmentation, seule la moitié d’entre eux envisagent de pratiquer l’obstétrique, « avec un souhait d’arrêt des gardes qui se majore dès 45 ans », estime le courrier. Quant aux jeunes médecins, ils préfèrent selon eux exercer dans des maternités de type 2 ou 3, « au sein d’une équipe stable et complète permettant de limiter le nombre de gardes sur place par mois ».
La majorité d’entre eux n’envisage d’ailleurs pas de faire des gardes au-delà de 50 ans, observent les experts qui estiment que la durée de vie opérationnelle d’un obstétricien en garde a une médiane d’à peine 11 ans. En cause, « la lourdeur des gardes en termes de sentiment d’insécurité », leur nombre trop élevé et leur faible valorisation financière. Raison pour laquelle on assiste à « un abandon rapide de l’exercice complet de la discipline », alerte le courrier.
Une problématique de manque d’attractivité qui touche aussi les anesthésistes-réanimateurs, en particulier les plus jeunes. Notamment dans les maternités réalisant moins de 2000 naissances car leur activité, partagée avec les autres activités de l’établissement, « n’y est pas exclusivement dédiée ». Conséquence : les gardes sont « chargées, fatigantes et stressantes », expliquent les signataires.
Intérim important
Les conditions de travail sont également difficiles (beaucoup de gardes, équipe instable) pour les pédiatres. Raison pour laquelle les surspécialités à gardes, telle que la réanimation néonatale, sont désertées par les internes, poursuit le courrier. Quant aux sages-femmes, un grand nombre d’entre elles ne veulent plus faire d’accouchements, « préférant les services autres que la salle de naissance ou l’activité libérale ».
Cette crise des métiers impacte le travail en équipe et la sécurité dans les établissements, selon les signataires qui estiment que 70 % des maternités de type 1 et 80 % des maternités de moins de 1 000 naissances ont recours à l’intérim. Un phénomène qui pourrait être aggravé par l’accélération de la fermeture des petites maternités qui pourrait aboutir à « un transfert d’activité non anticipé vers les maternités de type 2 ou 3, qui peuvent elles-mêmes rencontrer des difficultés ».
Forts de ces constats, les signataires militent pour un nouveau plan périnatal adapté aux réalités de chaque territoire. Ceux-ci proposent tout d’abord le regroupement des plateaux techniques d’accouchement (salles de naissances, bloc opératoire) qui imposent une continuité des soins. Objectif : « améliorer la sécurité des soins » et ainsi « diminuer les inégalités sociales d’accès aux soins ». Un regroupement qui devra être accompagné d’un renforcement des moyens humains comme matériels, et du « déploiement des offres de suivi en proximité des grossesses et des nouveau-nés », suggère la lettre ouverte.
Autre proposition : la création de centres périnataux de proximité (CPP), articulés autour de maternités de référence. Leur implantation permettrait « d’optimiser l’offre de soins pour le suivi périnatal en proximité » et « participerait à la lutte contre les déserts médicaux et les inégalités territoriales d’accès aux soins », souligne le courrier.
Pour autant, contrairement aux préconisations d’un récent rapport de l’Académie de médecine, il n’est pas question que toutes les maternités de moins de 1 000 naissances ferment mais « qu’une réflexion soit menée sur celles qui sont indispensables sur notre territoire », en fonction de leur situation géographique ou leur niveau d’expertise, concluent les signataires.
Raison pour laquelle ils demandent à la DGOS de rouvrir les discussions avec les partenaires pour réviser les décrets de périnatalité de 1998 qui ont permis le développement de très grosses maternités sans que les ressources humaines progressent au même rythme.
Lucie Adalid, représentante d’usagers, pour le Collectif inter associatif autour de la naissance (Ciane), Dr Margaux Creutz Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), Dr Catherine Deneux, médecin épidémiologiste à l’Inserm, Pr Michel Dreyfus gynécologue-obstétricien, président de la SFMP jusqu’en octobre 2023 et Pr Delphine Mitanchez, néonatologue, présidente de la (Société française de médecine périnatale (SFMP), Dr Estelle MORAU, présidente du Collège d’anesthésie réanimation enObstétrique (Caro), Dr Joëlle Belaisch Allart, Pr Olivier Morel et Pr Cyril Huissoud, gynécologues obstétriciens, pour le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF), Pr Jean- Christophe Roze, président de la Société française de néonatologie (SFN), Pr René Rudigoz professeur émérite, membre de l’Académie de médecine
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