« LE TOUCHER est le sens le plus mature chez le fœtus, explique pour le « Quotidien » Édouard Gentaz, chercheur CNRS au laboratoire de psychologie et neurocognition à l’université de Grenoble, l’un des auteurs principaux d’une étude parue dans « PLoS ONE » sur la perception tactile chez les bébés prématurés. D’où notre hypothèse de départ que, même s’il s’agit du système nerveux périphérique, la perception tactile serait déjà fonctionnelle chez des bébés nés avant terme. »
Deux équipes de recherche CNRS, l’une de l’université de Grenoble et l’autre de l’université Paris-Descartes, viennent ainsi de montrer en collaboration avec l’unité de néonatalogie du CHU de Grenoble que des prématurés âgés de 33 semaines d’aménorrhée (SA) sont capables de reconnaître un objet et de le différencier d’un autre. Tout comme des bébés à terme. Comme l’ont montré quelques travaux récents, le grasping n’est pas en effet qu’un simple réflexe chez le nouveau-né, mais une capacité tactile qui lui permet d’appréhender son environnement dès les premières heures de vie. « Les prématurés apprennent à reconnaître les formes et à les différencier de la même façon que les nourrissons nés à terme, poursuit le chercheur. Nous avons obtenu des résultats similaires en utilisant la même méthode expérimentale. »
Cylindre ou prisme.
Pour leurs travaux, les chercheurs ont mené une expérience chez 24 bébés prématurés âgés de 33 à 34+6 SA. Leur âge gestationnel moyen était de 31 SA et leur poids moyen à la naissance de 1 500 g. « La méthode expérimentale comporte deux phases, la première dite d’habituation et la seconde de réaction à la nouveauté. » Cette méthode s’appuie sur un principe simple et universel, qui est le désintérêt progressif pour un objet familier et le regain d’attention pour un nouveau. Deux petits objets ont été utilisés : un prisme chez la moitié des enfants, un cylindre pour l’autre. « Au fil des essais, on constate que les enfants des deux groupes gardent de moins en moins longtemps le petit objet placé dans leur main. C’est-à-dire qu’ils apprennent leur forme, le reconnaissent et s’en désintéressent petit à petit. Si on remplace l’objet, un prisme par un cylindre et inversement, on constate un regain d’intérêt. Le temps de tenue s’allonge pour l’objet nouveau. » Par le toucher, les prématurés sont ainsi capables d’extraire de l’information, de la stocker dans leur mémoire et de la comparer avec une nouvelle information.
« À chaque fois, l’objet était placé dans la même main, droite ou gauche. Actuellement, nous travaillons sur le transfert intermains. Si l’enfant reconnaît avec une main un objet déjà placé dans l’autre, cela signifie qu’au niveau cérébral, le corps calleux est fonctionnel. Nos recherches s’inscrivent dans un programme d’études sur la perception qu’ont les prématurés de leur environnement. Une collaboration rare entre des pédiatres et des chercheurs en neurocognition. Connaître quelles sont les compétences précoces des prématurés devrait permettre à terme de personnaliser les soins apportésen néonatalogie. »
PLoS ONE, 5(2) : e9108.doi:10.1371:journal.pone.0009108
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