Une mise au point est nécessaire au sujet de la dynamique de prescription des antibiotiques : si elle a fortement augmenté l’année dernière, comme Santé publique France l’a souligné, c’est tout simplement parce que les pathologies infantiles ont fait leur retour en force. « Cette remontée s’explique complètement par la dette immunitaire : elle est venue après la période Covid 2020-2021 où, du fait des mesures prises, les infections communautaires avaient chuté de plus de la moitié. Les enfants ne se sont pas immunisés. Avec la levée des mesures de distanciation, il y a eu une recrudescence, tout à fait attendue, des pathologies virales et bactériennes, explique le Pr Robert Cohen pédiatre et infectiologue (CHI de Créteil, GPIP, Activ), en insistant : Ce n’est donc pas que la faute des prescripteurs ! Il faut interpréter les chiffres en fonction du contexte. »
Des indications bien définies
Cela étant dit, il est vrai que la France est toujours un des plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe ; c’est très préoccupant, alors qu’il existe des recommandations, validées par la HAS, pour les affections les plus courantes. Et elles sont claires : l’usage des antibiotiques doit être réservé aux indications qui le justifient : angines à streptocoque A chez les enfants de plus de trois ans, otites moyennes aiguës purulentes de l’enfant de moins de deux ans, pneumonies, sinusites, infections cutanées, méningites bactériennes.
« Les angines avec un TDR négatif, rhinopharyngites, bronchites, laryngites, une fièvre isolée, ne doivent pas être traitées par des antibiotiques. Malheureusement, ces affections représentent près de la moitié des prescriptions en France », souligne le Pr Cohen. Ainsi, cette seule mesure, qui serait d’appliquer les recommandations officielles de la HAS, permettrait de diminuer de 40 % les prescriptions d’antibiotiques.
Éviter les molécules critiques
Une autre notion importante est celle d’antibiotique critique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) et le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP), ont défini les antibiotiques critiques en fonction du risque accru de pression de sélection d’une part et de l’intérêt en thérapeutique d’autre part. Les antibiotiques critiques ne devraient pas être utilisés en première intention.
Trois classes sont particulièrement génératrices de résistance : les céphalosporines de troisième génération, les fluoroquinolones (rarement utilisées chez l’enfant), l’azithromycine et l’amoxicilline/acide clavulanique.
À l’inverse, les antibiotiques non critiques sont définis comme molécules de premier choix pour une indication donnée et ayant un faible potentiel de sélection pour des résistances. Il faut donc les privilégier avec, en premier lieu, l’amoxicilline. Sont également considérés comme non critiques : la clarithromycine, le cotrimoxazole (pour les infections urinaires) et la pénicilline V (très peu utilisée).
Troisième règle de prescription en la matière : de réduire la durée du traitement. Là encore, les durées de traitement sont parfaitement définies dans les recommandations de la HAS ; par exemple, six jours d’amoxicilline pour une angine.
Développer les TDR
L’incertitude diagnostique est le déterminant majeur des prescriptions d’antibiotiques. Or, l’antibiothérapie peut être guidée grâce à des tests rapides d’orientation diagnostique (TDR ou Trod), qui permettent une prescription raisonnée des antibiotiques.
« Les médecins continuent de prescrire des antibiotiques par peur de passer à côté d’une maladie grave. Des TDR sont disponibles, mais leur usage n’est pas assez développé. Seuls 30 % des médecins utilisent le TDR à l’angine streptococcique (le seul pris en charge). Les pharmaciens peuvent aussi le faire, mais il est plus logique que cela soit le médecin, lors de la consultation. D’autres tests existent : grippe, VRS, la CRP en microméthode… mais ils ne sont malheureusement pas remboursés, à la suite d’un avis défavorable et très critiquable de la HAS, alors que ces tests rapides pourraient contribuer à réduire les prescriptions d’antibiotiques, en réduisant l’incertitude diagnostique », s’insurge le Pr Cohen.
La lutte contre les surprescriptions reste majeure. Il faudrait un plan global qui prenne en compte ces différents axes.
Entretien avec le Pr Robert Cohen (CHI de Créteil)
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?