LE DIAGNOSTIC d’une infection sévère pédiatrique, dans nos pays industrialisés, n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Parce que la prévalence de ces affections reste faible et, aussi, parce que les jeunes patients sont souvent vus avant même l’apparition des signes de gravité. « Dès lors, le diagnostic peut être manqué, expliquent Ann Van den Bruel (Leuven, Belgique) et coll., à la première consultation, avec parfois de graves conséquences. » D’autant que l’impression clinique peut être la conséquence d’un entretien téléphonique ou celle d’une équipe à l’expérience faible en pédiatrie.
Ce contexte justifie l’objectif de l’étude publiée dans le « Lancet » : attribuer à divers signes cliniques une valeur de signal d’alarme ou d’exclusion d’une infection sévère. L’équipe européenne d’investigateurs a choisi la méthode de la méta-analyse, au cours de laquelle 30 études ont été retenues (pour leur qualité) sur 1 939 possibles. Les âges des participants s’y étageaient de 1 mois à 18 ans.
Probabilité positive de survenue à plus de 5.
De l’évaluation statistique, menée sur plusieurs études, quatre éléments cliniques émergent comme signaux d’alarme. La sonnette est tirée quand le calcul attribue une probabilité positive (PP) de survenue chiffrée à plus de 5. Il s’agit de la cyanose (PP de 2,66 à 52,2), d’une polypnée (PP de 1,26 à 9,78), d’une hypoperfusion périphérique (PP de 2,39 à 38,80) et de pétéchies (PP de 6,18 à 83,70). Une unique étude a montré la valeur d’alarme de l’inquiétude des parents (PP 14,4) et de l’instinct du praticien (PP 23,5). Et la fièvre peut-on se demander ? De fait, une hyperthermie d’au moins 40 °C fournit un signal fort… Mais de faible prévalence au cours des infections sévères.
Les mathématiques auraient pu également donner à des signes cliniques une valeur d’exclusion d’un diagnostic. L’analyse n’en a trouvé aucun. En revanche, quelques associations permettent de récuser un diagnostic. Les auteurs rapportent, par exemple, qu’une pneumonie demeure fort peu probable en l’absence de dyspnée et d’inquiétude parentale (probabilité négative à 0,07).
« Il nous reste à identifier le niveau de risque auquel ces signaux d’alarme doivent déclencher une action clinique », constate l’équipe de l’European Research Network on Recognising Serious Infection. Ce travail poursuivent-ils a été dicté par le besoin de guider les cliniciens dans leur pratique ; les preuves d’infections graves sont rares, en pratique cliniques. L’OMS a déjà mis en place des études sur ce thème, mais elles visent les pays en développement où l’incidence de ces infections pédiatriques s’avère largement plus élevée. D’ailleurs, ses recommandations se montrent inadaptées aux pays occidentaux. Ce que confirment Ann Van den Bruel et coll. quand ils écrivent : « notre analyse souligne la difficulté à exclure les risques d’infection sévère en se fondant sur les signes cliniques ». Ils considèrent ce constat comme l’un des points forts de leur analyse. Au plan de ses faiblesses, ils citent le manque de reproductibilité dans l’évaluation des symptômes, leur côté observateur-dépendant et les différences culturelles entre les lieux de réalisation des études.
Lancet, édition avancée en ligne DOI : 10.1016/S0140-6736(09)62000-6.
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