« Des constats alarmants » imposent l'ouverture de discussions avec la direction générale de l'offre de soins pour réorganiser l'offre de soins critiques pour les nouveau-nés. Tel est le bilan que tire la Société française de néonatalogie (SFN) dans une note publiée ce 9 octobre.
À la lumière d'une série d'enquêtes, conduites entre 2021 et 2023, la SFN dénonce l'insuffisance des lits de soins critiques, le manque de médecins et d'infirmiers et une structuration devenue obsolète. Un constat partagé par l'ensemble du secteur, comme en témoignait dans nos colonnes la Pr Delphine Mitanchez, secrétaire générale de la Société française de médecine périnatale.
La SFN a initié ce travail pour mieux comprendre l'augmentation de la mortalité infantile en France depuis 2012. Comme le montre une étude publiée dans The Lancet en 2022, le taux de mortalité est passé de 3,3 en 2012 à 3,45 décès pour 1 000 en 2019, atteignant même 3,7 décès pour 1 000 naissances vivantes en moyenne sur la période 2019-2021, selon d'autres données de l’Insee publiées en juin dernier.
Cette dynamique est en grande partie tirée par un excès de mortalité néonatale, en particulier précoce : près de 48 % des décès interviennent la première semaine de vie, une proportion qui s'élève à 74 % pour le premier mois (versus 65 % en 2005). En troisième position avant 2000, la France est désormais en 20e position pour la mortalité infantile au sein de l'Europe.
Des lits trop occupés
L'offre de réanimation néonatale est très en deçà des besoins grandissants, objective la SFN. Ainsi, en métropole, on compte 0,60 à 1,28 lit de réanimation pour 1 000 naissances, respectivement pour la Provence Alpes-Côte d'Azur et le Grand Est ; soit une variation du simple au double selon les régions, tout en restant à des niveaux bien inférieurs à ceux des États-Unis (1,4 à 5,9 lits pour 1 000 naissances) ou de la Chine (1,8). S'opère entre outre un effet ciseaux, entre les fermetures de lits (5 % des lits de soins critiques en juin 2023) et l'augmentation du nombre de nouveau-nés nécessitant ces soins aigus (en raison des progrès qui permettent la prise en charge des prématurés à un âge gestationnel précoce et la poursuite des grossesses malgré une malformation grave du fœtus).
Par conséquent, le taux d'occupation des lits de soins critiques de type 3, mesuré avec Santé publique France, varie entre 2021 et 2023 de 91,3 % à 93, 8 %, et dépasse les 100 % en réanimation pour 20 % du temps. En février 2023, 23 % des services déclaraient refuser régulièrement des entrées, faute de place.
« Ces chiffres sont préoccupants car des taux d'occupation élevés sont associés à une augmentation du risque de morbidité sévère et de mortalité chez les grands prématurés », lit-on.
Des médecins éreintés, la permanence des soins menacée
Les ressources humaines sont au plus mal. Près des trois quarts (72 % ) des services de type 3 ont des difficultés à assurer la permanence des soins, et 80 % des services 2B (partenaires) peinent à constituer leur liste de garde. Au moins un poste de pédiatre néonatologiste est vacant dans 73 % des services de type 3 ; dans près de la moitié (46 %), ce sont deux ou trois postes qui ne sont pas pourvus.
Pourtant les médecins ne comptent pas leurs heures : parmi les 721 pédiatres néonatologistes (sur 1 500) ayant répondu à l'enquête qualité de vie, entre juin et octobre 2022, 80 % disent travailler plus de 50 heures par semaine, 13 % plus de 75 heures. Presque la moitié font au moins cinq gardes par mois, tout en déplorant pour la majorité d'entre eux une influence négative sur leur vie personnelle. Les trois quarts des juniors déclarent même ne plus vouloir en faire. Près de la moitié des néonatologistes se plaignent de troubles du sommeil, 17 % déclarent un épisode de burn-out ou de dépression.
La situation n'est guère mieux chez les infirmiers. La SFN regrette le manque d'ancienneté des équipes, qui, dans 80 % des services, sont composées au moins à un tiers d'infirmiers ayant moins de deux ans d'expérience. Ce qui est d'autant plus problématique que la pédiatrie et la néonatologie ont été supprimées du programme d'enseignement du diplôme d'état d'infirmier en 2009.
Par ailleurs, plus de 70 % des journées se déroulent en sous-effectif, jugé sévère dans près de 40 % des cas, eu égard à la charge en soins. Même en se basant sur les décrets de 1998 qui définissent le ratio nécessaire d'infirmiers par rapport au nombre de lits (un pour deux lits en réanimation, un pour trois en soins critiques), encore 58,8 % des journées sont sous-staffées. Mais ces décrets sont inadaptés aux besoins actuels qu'ils sous-estiment, considère la SFN, en réclamant leur révision.
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