POUR EXPLORER le monde qui les entoure, les jeunes enfants cherchent à attraper, à toucher, à prendre dans leurs mains. Chez les tout-petits, toucher semble aussi important que voir pour s’éveiller et apprendre. Alors pourquoi ne pas se servir de ce sens sollicité de façon naturelle en bas âge pour des enseignements scolaires ? « Le rôle du toucher dans les apprentissages nous passionne depuis des années à Grenoble », déclare Édouard Gentaz, chercheur au CNRS du laboratoire de Psychologie et Neurocognition. L’équipe a, en particulier, mis en lumière le rôle du sens haptique (ou tactilokinesthésique) dans l’acquisition de la lecture chez les petits dans leurs travaux précédents. Les enfants étaient bien plus performants si la méthode est « multisensorielle » avec des lettres en bois, en plastique… Les chercheurs français viennent de montrer que le mécanisme est généralisable à l’adulte.
« Pour apprendre à lire, il faut reconnaître les lettres lues, ou "graphèmes", et les relier aux mots entendus, ou "phonèmes". En d’autres termes, la lecture fait appel à notre capacité à associer des informations visuelles et auditives », explique au « Quotidien » le neuroscientifique. Le toucher permettrait de mieux connecter la vue et l’audition et d’augmenter la force de l’association. Le phénomène tiendrait à ce que le toucher donne des informations à la fois d’ordre spatial, comme la vue, et d’ordre temporel, comme l’audition, ce qui implique qu’il emprunte les deux voies différentes de codage. Le sens haptique jouerait le rôle de « ciment » entre la vision et l’audition.
À l’aide d’idéogrammes japonais.
Pour tester les adultes, les chercheurs ne pouvaient pas utiliser l’alphabet occidental et ont adapté le modèle en choisissant des idéogrammes japonais. « Ainsi naïfs de tout enseignement ancien, les "grands" se sont trouvés ainsi dans la même position que les "petits" », explique Édouard Gentaz. Les trente adultes francophones ayant participé à l’expérience ont été répartis en deux groupes. Deux méthodes d’apprentissage ont été ainsi testées, l’une « classique » faisant appel à la vue et à l’audition, l’autre « multisensorielle » comprenant aussi le toucher. Les adultes devaient apprendre 15 phonèmes dénués de sens en français et les 15 graphèmes correspondants sous forme d’idéogrammes. Le groupe multisensoriel disposait d’idéogrammes en bois, comme précédemment les enfants de lettres en bois.
Les neuroscientifiques ont montré que les deux groupes avaient la même capacité à apprendre les graphèmes et les phonèmes. En revanche, pour ce qui était de la capacité à associer un graphème à un phonème, les résultats étaient bien différents selon les méthodes pédagogiques. Le groupe « multisensoriel » s’est révélé bien plus performant pour retrouver l’appariement visuo-auditif. Les mêmes scores ont été observés quand le test a été répété une semaine plus tard. Les adultes mettant en uvre le sens haptique apprennent plus facilement à lire un nouveau langage.
Illustration par l’imagerie.
Maintenant que le rôle du toucher dans l’apprentissage de la lecture est un concept valable chez l’adulte, il est possible d’étudier, par imagerie fonctionnelle, le fonctionnement cérébral mis en jeu. Il n’était pas bien réaliste en effet de vouloir réaliser des clichés d’IRM chez les petits... On peut espérer que l’imagerie apporte un éclairage nouveau sur le phénomène, comme le souligne Édouard Gentaz. « L’équipe marseillaise de Jean-Luc Velay a récemment fait de surprenantes observations. Quand un individu lit un graphème, non seulement l’aire visuelle s’active mais aussi les aires sensorimotrices mobilisées pour l’écriture du mot », rapporte-t-il. Il serait plus efficace d’apprendre à lire et à écrire en tenant un crayon qu’en se contentant d’un écran. Les méthodes « à l’ancienne » ont parfois du bon…
PLoS One,16 mars 2009.
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