UN ENFANT prématuré est né en Allemagne à 21 semaines et 5 jours d’aménorrhée, a annoncé dans un communiqué la clinique de Fulda. La petite Frieda, née le 7 novembre, pesait 460 grammes. Cinq mois et demi plus tard, elle a quitté l’hôpital et pèse 3,5 kg, a ajouté l’établissement. Devant la menace d’accouchement prématuré, les médecins avaient réussi à retarder de 10 jours la naissance. Frieda avait un frère jumeau qui est décédé quelques jours après la naissance.
Le communiqué souligne que le terme de 21 semaines et 5 jours est le plus précoce répertorié à ce jour dans la littérature. Un autre enfant était né exactement au même terme (21 semaines et 5 jours) en 1987 à Ottawa (Canada).
Prise en charge bien codifiée.
Le Pr Yannick Aujard (chef de service de néonatalogie à l’hôpital Robert Debré, Paris) précise au « Quotidien » que le problème qui peut concerner ces très grands prématurés n’est pas celui de la prise en charge technique. Les modalités de prise en charge des prématurés sont bien codifiées - cathéter, intubation et instillation de surfactant artificiel -, que l’enfant fasse 500 g ou 700 g.
Le problème principal est de réfléchir sur la fréquence avec laquelle sont observées des séquelles moyennes et sévères chez ces très grands prématurés.
Les enquêtes épidémiologiques, nationales et internationales, comme EPIPAGE 1 (et 2 qui débute) donnent des indications et montrent que ces séquelles sont inversement proportionnelles à l’âge gestationnel et au poids de naissance. Ces études ont évalué le pronostic à moyen et à long terme. Le bébé allemand, avec un poids de 460 grammes à 21 semaines et 5 jours, n’apparaît pas hypotrophe (il n’a pas de retard de croissance intra-utérin associé, ce qui aggraverait son pronostic). Le pourcentage de risque de séquelles neuro-sensorielles importantes correspondant à ce profil est proche de 50 % à un an.
À partir de quel terme peut-on raisonnablement prendre en charge un très grand prématuré ?
« Le cas de la petite Frieda est du domaine de l’exceptionnel », souligne le Pr Umberto Siméoni (chef du service de néonatalogie, hôpital de La Timone, Marseille). Personne ne cherche en France à réaliser un exploit. « Nous avons beaucoup réfléchi à ces questions. » Les principes suivis sont les mêmes dans tous les pays où la médecine est développée.
L’OMS a posé comme critère de viabilité un terme de 22 semaines d’aménorrhée (SA) et un poids de 500 grammes, qui permettent de déclarer une naissance vivante. Ce qui est différent de la question du pronostic.
Dans les centres de référence en France une politique locale s’est construite, à partir des recommandations nationales (publiées dans les « Archives de Pédiatrie » en 2010). À partir de 24 SA, la plupart des équipes prennent en charge activement le prématuré.
Avant 23 SA, les pédiatres néonatalogistes en France ont décidé de ne pas intervenir. Des soins palliatifs sont mis en œuvre d’emblée en salle de naissance. À 22 SA, les poumons sont histologiquement et anatomiquement immatures. « On ne connaît pas de cas de survie prolongée avant 22 SA », indique le Pr Siméoni.
La demande des parents.
Il existe ce qu’on appelle une zone grise, entre 23 et 25 SA, où la décision est prise en fonction de la demande des parents et de critères de trophicité du bébé, de l’existence d’une corticothérapie pour aider à la maturation pulmonaire au moment de la menace d’accouchement prématuré et si le centre de néonatalogie est à proximité immédiate.
« Si ce bébé était né à Robert Debré, nous aurions proposé les soins palliatifs aux parents. En aucun cas, la prise en charge de cet extrême prématuré ne doit être perçue comme un exploit médical, mais elle doit probablement être replacée dans un contexte familial et médical particulier que nous ne connaissons pas », indique le Pr Aujard.
Ces prématurés bénéficient d’un suivi prolongé spécifique visant à dépister les enfants présentant des décalages dans les acquisitions, pour une prise en charge précoce. Les séquelles des fonctions supérieures s’apprécient par la suite, entre 3 et 5 ans.
La décision de prise en charge d’un extrême prématuré, de terme inférieur à 23 SA, est prise après discussion des équipes avec les parents, où on explique la gravité du pronostic, au-delà du risque de décès précoce (20 % environ dans les premières semaines). Un des points fondamentaux est donc le dialogue entre les pédiatres et les parents. La connaissance de ce problème est très hétérogène dans notre pays.
D’après des entretiens avec les Prs Yannick Aujard et Umberto Siméoni (Président du Comité d’éthique de la Société française de néonatalogie).
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