L'expression déficience intellectuelle (DI) remplace aujourd’hui « retard mental ». Les personnes ayant une DI ont un trouble du développement des compétences intellectuelles, c’est-à-dire une capacité réduite à comprendre une information nouvelle ou complexe, ce qui retentit fortement sur les apprentissages scolaires et limite ensuite à l’âge adulte les capacités d’adaptation dans la vie quotidienne.
L'expression déficience intellectuelle traduit mal le concept anglais de intellectual disability, qui inclut les trois notions de déficit, incapacité et handicap. La DI concerne 1,5 à 2 % de la population, soit approximativement 1 million de personnes en France. Les degrés de DI sont très variables, et, de ce fait, les besoins de soutien sont très différents entre une personne polyhandicapée nécessitant une aide continue y compris pour son alimentation et son hygiène et une personne avec une DI légère, qui a besoin d’une aide humaine pour compter sa monnaie ou se repérer dans les transports.
On confond parfois l’autisme et la DI. Ce sont deux troubles du neurodéveloppement bien distincts : les personnes autistes ont des difficultés à percevoir les émotions et les intentions d’autrui, à communiquer, à s’ajuster sur le plan relationnel et à comprendre les codes sociaux. La DI est avant tout un problème d’accès au raisonnement et à l’abstraction. Les capacités intellectuelles des personnes autistes sont souvent préservées, mais plus d’un tiers d’entre elles ont aussi une DI, ce qui rend dans ce cas le handicap encore plus complexe et nécessite un soutien éducatif et des soins renforcés.
Quels constats ?
Parmi les 1 200 pages du rapport, retenons cinq points :
1. Les causes de DI sont multiples, plus d’une fois sur deux d’origine génétique, avec plusieurs centaines de maladies rares. Mais l’exposition prénatale à l’alcool reste un problème de santé publique sous-estimé. La cause de la DI demeure inconnue chez une personne sur deux. La diffusion des nouvelles techniques de génétique (NGS, séquençage à haut débit) devrait faire diminuer le nombre de personnes sans diagnostic. En cas de DI légère, les facteurs génétiques, cognitifs, psychologiques et sociaux sont souvent intriqués.
2. L’intervention précoce est recommandée, dès le repérage par les parents que quelque chose ne va pas dans le développement. Le premier rôle des professionnels est d’écouter les parents et de prendre au sérieux leur inquiétude. Il est démontré que pour être efficaces, les interventions doivent être précoces, sans rupture, prolongées, multidisciplinaire, s’appuyant sur les compétences de l’enfant, et en partenariat avec ses parents.
3. Les problèmes de santé sont plus importants chez les personnes avec DI, mais l’accès aux soins leur est plus difficile que pour la population générale. Par exemple, le diagnostic des cancers est plus tardif chez une personne qui ne sait pas exprimer sa douleur et décrire ses symptômes. L’expertise INSERM montre l’amélioration de l’état de santé dans d’autres pays, grâce à des consultations dédiées dans des Centres ressource DI pluridisciplinaires ou à l’intervention de référents de parcours de santé et d’infirmières de liaison.
4. La participation des personnes avec DI à la vie de la société est un droit inscrit dans la loi du 11 février 2005. Ceci nécessite que la personne avec DI développe le sentiment de pouvoir agir sur sa propre vie, ce que l’on appelle l’autodétermination. Cela implique aussi une évaluation régulière des compétences cognitives, scolaires, socio-émotionnelles, adaptatives, tout au long de la vie, pour éviter les ruptures. L’expertise montre aussi la pertinence de développer des programmes d'apprentissage ambitieux pour l’accès à la lecture et au calcul. En trente ans, la participation à la vie sociale des personnes avec trisomie 21 a évolué bien au-delà de ce qui était imaginé pour elles.
5. Comme toute situation de handicap, celle des personnes avec DI résulte d’une interaction entre leur vulnérabilité individuelle et l’écosystème, c’est-à-dire l’environnement familial, culturel, institutionnel. Or, les personnes avec DI et leurs proches éprouvent aujourd’hui un fort sentiment d’isolement pour faire face aux difficultés quotidiennes et accéder aux diagnostics et accompagnements adaptés. Souhaitons que cette expertise stimule la formation des professionnels et change nos fausses représentations. Ayons confiance dans leurs ressources et celles de leurs familles.
(1) CHU de Lyon, université Lyon1, filière de santé maladies rares
(2) Hôpital Pitié Salpêtrière, université Paris VI, filière de santé maladies rares, DéfiScience
(*) INSERM. Expertise Collective Déficiences intellectuelles, éditions EDP Sciences, mai 2016.
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