Des études observationnelles suggéraient déjà que les antipsychotiques, en particulier la clozapine, puissent exposer à un surrisque de pneumonie, même en absence de fragilité pulmonaire préexistante. Mais aucune recommandation visant à réduire ce risque chez les schizophrènes n’existe, les données étant limitées.
Or, une étude menée sur une vaste cohorte de schizophrènes finlandais est venue apporter matière à réflexion (1). L’analyse, menée sur plus de 60 000 personnes avec un recul de 20 ans, met en effet en évidence que non seulement la clozapine — dès une posologie de 180 mg/j — mais aussi la quétiapine — dès une posologie de 440 mg/j — et l’olanzapine — dès 11 mg/j — majorent significativement le risque d’être hospitalisé pour pneumonie. Ce qui appelle à la mise en place de stratégie de prévention, vaccination et surveillance, chez les patients sous traitement.
Une cohorte finlandaise de plus de 61 000 schizophrènes
L’étude porte sur une cohorte nationale finlandaise de sujets de plus de 16 ans diagnostiqués schizophrènes entre 1977 et 2014. Le suivi s’étend sur les années 1996 à 2017, soit durant 22 ans.
Cette cohorte rassemble près de 62 000 patients, âgés de 46 ans en moyenne à l’entrée dans la cohorte, dont 50,3 % d’hommes.
Au cours des 22 ans de suivi, 14,4 % de ces patients (n = 8 917) ont été hospitalisés pour pneumonie : 67 % ont eu une seule hospitalisation pour cette raison, 17 % en ont eu deux et 15 % ont été hospitalisés trois fois. Ils avaient 63 ans d’âge moyen et, parmi eux, 13 % en sont morts (1 137 patients, soit une mortalité de 7,4 %).
Le critère primaire est la survenue d’une hospitalisation pour pneumonie sous antipsychotique, versus en absence d’antipsychotique, après ajustements.
Un surrisque progressant avec l’âge et plus important chez les hommes
Dans cette cohorte, l’incidence des pneumonies et relativement stable jusqu’à l’âge de 40 et 49 ans. Puis, chez les 50-54 ans, l’incidence est plus que doublée par rapport à celle observée chez les 20-24 ans (RR = 2,2). Cette incidence augmente ensuite d’environ 50 % à chaque tranche d’âge de 5 ans, chez les 55-59 ans, 60-64 ans, 65-69 ans… jusqu’à 85-89 ans.
Par ailleurs, passés 40-44 ans, les hommes ont un surrisque plus prononcé que les femmes, et cette différence croît avec l’âge. Par conséquent, chez les plus âgés, les 85-89 ans, le risque est deux à trois plus élevé pour les hommes que pour les femmes (RR = 2,76), quand il n’est majoré que de 30 % chez les hommes de 45-49 ans par rapport aux femmes du même âge.
Un risque surtout lié aux monothérapies à hautes doses
Au total, être sous n’importe quel antipsychotique ne suffit pas à majorer significativement le risque de pneumonie dans la cohorte (RR = 1,12, NS). Mais, une fois catégorisées les posologies en basses doses (moins de 0,6 fois la dose journalière définie par l’OMS), doses moyennes (0,6 à 1,1 fois la dose OMS) et hautes doses (plus de 1,1 fois la dose journalière définie par l’OMS), le tableau change. Les hautes doses sont en effet associées à un surrisque significatif de pneumonie, quand les basses doses et les doses moyennes ne semblent pas augmenter le risque.
D’ailleurs, les patients sous monothérapies ont un surrisque significatif de pneumonie, que l’on n’observe pas chez les patients sous polythérapie. Plus précisément, les monothérapies à hautes doses sont associées à un surrisque significatif — augmenté de près de 40 % — de pneumonies.
Enfin l’analyse montre qu’aucun antipsychotique de première génération n’est associé à un risque de pneumonie, quand plusieurs de seconde génération le sont à hautes doses.
Les risques les plus élevés étant observés avec la quétiapine à haute dose (plus de 440 mg/j ; RR = 1,78) suivie de la clozapine à hautes (plus de 330 mg/j ; RR = 1,44) et moyennes doses (180-330 mg/j ; RR = 1,43) et de l’olanzapine à hautes doses (plus de 11 mg/j ; RR = 1,29).
Poids de l’activité anticholinergique
Pour examiner l’éventuel effet de l’activité anticholinergique de chaque antipsychotique, les auteurs ont fait des comparaisons intra-individuelles, l’exposition chez le patient ayant été comparé à la non-exposition. Les données ont par ailleurs été ajustées à l’âge, le recours à d’autres psychotropes et l’index de sévérité de la pneumonie. Enfin, les antipsychotiques ont été classés en trois catégories : activité anticholinergique basse, modérée, élevée. (Anticholinergic cognitive burden scale 1, 2 ou 3). Résultat, ce sont essentiellement les antipsychotiques à activité anticholinergique élevée qui sont associés à un surrisque significatif de pneumonie, en particulier à dose élevée ou modérée.
(1) JJ Luykx et al. Pneumonia Risk, Antipsychotic Dosing, and Anticholinergic Burden in Schizophrenia. JAMA Psychiatry 2024 ; doi:10.1001/jamapsychiatry.2024.1441
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