On sait que le sevrage tabagique réduit la mortalité par rapport à la continuation du tabagisme. En revanche, le délai d’apparition du bénéfice en fonction du nombre d’années de sevrage reste imprécis. Or, en savoir plus serait fort utile en clinique, en particulier en termes de dépistage ciblé.
Pour préciser la cinétique du bénéfice, une étude rétrospective a été menée sur une vaste cohorte américaine (1). Elle met en évidence que, dès la dixième année de sevrage, le surrisque de mortalité cardiovasculaire est réduit des deux tiers, et ceux de mortalités respiratoires et par cancer sont réduits de plus de moitié. Passés 29 à 30 ans de sevrage, les surrisques de décès cardiovasculaires, respiratoires et par cancer par rapport à des non-fumeurs deviennent extrêmement faibles, la mortalité cardiovasculaire rejoignant même pour sa part celle des sujets n’ayant jamais fumé.
Des surmortalités conséquentes par rapport aux non-fumeurs avant le sevrage
Cette étude a été menée sur un panel représentatif de la population américaine de 25 à 89 ans, issu du National health survey, dont la mortalité a été suivie durant 30 ans (1997-2018). Les données de mortalité et de tabagisme de plus de 430 000 personnes ont été analysées. Les sujets qualifiés d’« ex-fumeurs » devaient avoir fumé au moins cinq ans et avoir arrêté depuis plus d’un an avant le recrutement. Les durées d’arrêt des ex-fumeurs — avant le recrutement — ont été rassemblées en tranches de 1-9 ans, 10-19 ans, 20-29 ans et plus de 30 ans.
Les 438 015 adultes ont 47 ans d’âge moyen au recrutement, et 44 % sont des hommes.
Durant les cinq millions années-patients du suivi, on a recensé 11 860 décès cardiovasculaires, 10 935 par cancer et 2 060 décès d’origine respiratoire.
Sans surprise, les fumeurs ont un large excès de mortalité par comparaison aux non-fumeurs après ajustement sur l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, l’ethnie et la consommation d’alcool. Par comparaison aux sujets n’ayant jamais fumé, les fumeurs ont une mortalité cardiovasculaire plus que doublée (RR = 2,2 [2,1-2,4]), une mortalité par cancer plus que triplée (RR = 3,4 [3,2-3,6]) tandis que leur mortalité respiratoire est multipliée par plus de dix (RR = 13,3 [11,5-15,4]).
Une réduction très nette des surrisques de décès à dix ans d’arrêt
Le sevrage est associé à une réduction nette du surrisque de mortalité. Par comparaison aux fumeurs, ie à une continuation du tabagisme, les ex-fumeurs voient leurs mortalités cardiovasculaire, respiratoire et même celle liée aux cancers décroître rapidement. Au cours des dix premières années de sevrage, les auteurs estiment que les ex-fumeurs ont évité 64 % de l’excès de mortalité cardiovasculaire attendu s’ils avaient continué, 57 % de l’excès de mortalité respiratoire attendue et 53 % de l’excès de mortalité attendue liée aux cancers. Et ce bénéfice va croissant.
Résultat, 20 à 29 ans après l’arrêt du tabagisme, l’excès de mortalité cardiovasculaire est quasi gommé. Enfin, à 30 ans, on n’a plus du tout de surmortalité cardiovasculaire par rapport aux non-fumeurs, quand les surmortalités respiratoires et par cancers, même si elles persistent, sont respectivement réduites de 97 et de 93 %. Ce qui montre, concluent les auteurs, le bénéfice d’un sevrage prolongé à même de réduire drastiquement le risque de mortalité lié aux antécédents tabagiques.
(1) Thomson B, Islami F. Association of Smoking Cessation and Cardiovascular, Cancer, and Respiratory Mortality. JAMA Intern Med. 2024;184(1):110-2
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