Bien que la BPCO soit depuis longtemps considérée comme liée à une amplification de la réponse immune innée, de plus en plus de travaux montrent que, chez certains patients, la maladie s’associe à une inflammation de type 2. Retrouvé chez 20 à 40 % d’entre eux, ce profil est associé à un risque accru d’exacerbations et probablement à une meilleure réponse aux corticoïdes. Peut-on améliorer des patients ayant ce profil, qui conservent un risque élevé d’exacerbations même sous trithérapie inhalée standard (corticoïde-Lama-Laba) ? Une étude de phase 3 versus placebo testant le dupilumab — un anti-interleukine 4 et 13 — le suggère. Dans cet essai, l’adjonction de la molécule à la trithérapie inhalée est en effet associée, au bout d’un an, à une réduction des exacerbations, des symptômes et à une meilleure fonction pulmonaire et qualité de vie (1).
Près de 1 000 patients ayant une BPCO à profil inflammatoire de type 2
L’essai Boreas est une étude multicentrique randomisée en double aveugle versus placebo, menée sur des sujets de 40 à 80 ans ayant fumé au moins dix paquets-année.
Elle a recruté, dans 24 pays (275 sites) entre 2019 et 2022, près de 1 000 sujets souffrant d’une BPCO. Ils devaient présenter, sous trithérapie inhalée, un taux élevé d’éosinophiles (plus de 300par ml), conserver une dyspnée importante (au moins de grade 2) ainsi qu’un risque élevé d’exacerbations (au moins une exacerbation sévère ou deux exacerbations modérées plus signes de bronchite chronique durant au moins trois mois dans l’année précédente) et ne pas présenter d’asthme associé.
Ces patients ont été randomisés, avec une stratification sur le pays et la dose de corticoïdes inhalés utilisée à l’inclusion. À noter, une période test de quatre semaines de traitement a été réalisée après l’inclusion, avant de lancer l’étude sur un an.
L’étude teste l’adjonction de dupilumab, à la dose de 300 mg en sous-cutané toutes les deux semaines, versus placebo, en adjonction à la trithérapie inhalée.
Ces patients ont 65 ans d’âge moyen. Parmi eux, deux tiers sont des hommes, un tiers sont des fumeurs encore actifs et près d’un tiers ont recours à de hautes doses de corticoïdes inhalés (équivalent 1 000 µg de béclométasone). Leur rapport moyen FEV1/FVC post-bronchodilatateur est à 0,50 ± 0,1 dans les deux bras. Le taux moyen en éosinophiles de 40± 298/ml. La fraction expirée de monoxyde d’azote (FeNO) est de 24,3 ± 22,4 ppb.
Le critère primaire d’efficacité est défini comme le taux annuel moyen d’exacerbations modérées (nécessité d’une corticothérapie VO) à sévères (nécessité d’hospitalisation).
Moins d’exacerbations, moins de symptômes et meilleure fonction pulmonaire
À un an de traitement, le taux moyen annualisé d’exacerbations modérées à sévères de BPCO est de 0,78 [0,64-0,93] dans le bras dupilumab, versus 1,10 [0,93-1,30] dans le bras placebo. Soit une réduction relative significative de l’ordre de 30 % (RR = 0,70 [9,58-0,86]). Et cela est constant dans tous les sous-groupes préspécifiés.
Dès le troisième mois (12 semaines), la fonction pulmonaire est plus améliorée dans le bras traité. La moyenne des FEV1 avant bronchodilatation a augmenté de 160 [125-195] ml, versus une amélioration de 77 [42-112] ml dans le bras placebo (méthode des moindres carrés). Et cette différence s’est maintenue jusqu’en fin d’essai, à un an.
L’amélioration symptomatique est elle aussi majorée sous dupilumab. Le score SGRQ (méthode des moindres carrés) a régressé de quasi dix points [-11,3 ; -8,1] à un an dans le bras traité, versus une régression de six points [-8 ; -4,8] dans le bras placebo. L’amélioration intervient dès les deux à quatre premières semaines.
Enfin, le bénéfice est majoré lors de FeNO élevée (taux supérieur à 20 ppb). Ce qui est cohérent avec une activité sur les interleukines 4 et 13, liées à l’inflammation de type 2. Le dupilumab pourrait donc jouer un rôle sur l’hyperplasie des cellules caliciformes, l’hypersécrétion muqueuse et le remodelage, via cette inhibition de la voie des interleukines 4 et 13.
Pas de signal de sécurité a priori
Il n’y a pas eu plus d’interruption de traitement pour effet secondaire (3,4 % sous placebo, vs. 3 %). Le taux d’effets secondaires est similaire dans les deux bras (76 vs. 77 %) et ils sont de même type. Les effets secondaires sérieux en particulier ne sont pas majorés (15 vs. 14 %) ni les effets graves ayant mené au décès (1,7 vs. 1,5 %).
(1) Sp Bhatt et al. Dupilumab for COPD with type 2 inflammation indicated by eosinophil counts. NEJM 2023;389:205-14
doi: 10.1056/NEJMoa2303951
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